17 novembre 2022

90 ans du 9 novembre 1932 : ne pas oublier le passé pour mieux lutter aujourd’hui


 

Il y a 80 ans, le 9 novembre 1932, 13 personnes – manifestants ou simples passants – tombaient sous les balles de l’armée suisse, appelée en renfort par un Conseil d’État de droite (formé de représentants des partis qui sont les ancêtres directs du PLR et du Centre), pour protéger un meeting fasciste.

 

L’Union nationale de Géo Oltramare, un parti fasciste d’alors, avait en effet intenté un pseudo procès public – sous le modèle de ceux organisés par le NSDAP au même moment – contre Léon Nicole et Jacques Dicker, les dirigeants du Parti socialiste genevois. Aux dirigeants du PS, les fascistes reprochaient d’être de gauche, bien entendu, mais aussi de ne pas être genevois. Le journal de l’Union nationale, le Pilori écrivait : « Notre ville connaît l’odieux régime de l’occupation étrangère. Un juif russe [Jacques Dicker] et un Vaudois bolchevisant [Léon Nicole] commandent une armée de Confédérés que le marxisme a dénationalisés. » Il faut savoir en effet la violence des propos antisémites qui avaient cours dans la presse bourgeoise respectable de ces années-là, alors dans un journal fasciste…

 

Indignée par ce simulacre de procès, la gauche genevoise décida d’organiser une contre-manifestation. Mais le Conseil d’État décida de prendre fait et cause pour les fascistes de l’Union nationale et d’interdire la contre-manifestation. C’est qu’on était en pleine grande dépression, de chômage de masse lié à une forte combativité de la classe ouvrière. La droite suisse de ce temps n’était guère antifasciste, pour ne pas dire qu’elle avait une sympathie enthousiaste pour l’« Ordre nouveau » qui régnait dans l’Italie de Mussolini. Et le Conseil d’État genevois voyait là l’occasion de casser un Parti socialiste genevois dont la ligne de lutte de classe lui déplaisait.

 

Le Conseil fédéral accepta d’envoyer l’armée en renfort. Des troupes furent amenées depuis le canton de Vaud, encadrées par un commandant aux idées d’extrême-droite. Les cartouches à blanc furent remplacées par des balles réelles. Le premier à tomber sous les tirs de l’armée fut Henri Fürst, président du Parti communiste. Cerise sur le gâteau, les dirigeants socialistes furent poursuivis pour cette répression dont ils étaient les victimes, et emprisonnés.

 

Toutefois, la droite genevoise n’avait pas atteint ses objectifs. La répression mobilisa au contraire la classe ouvrière, et quelques mois plus tard, Léon Nicole sortait de prison pour prendre la tête du premier Conseil d’État à majorité de gauche de l’histoire genevoise, dépourvu toutefois de majorité parlementaire, et dont l’action fut entravée par la bourgeoisie de toutes les manières possibles. Mais, lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclata, l’élite suisse prit fait et cause pour le Troisième Reich, derrière le paravent de la neutralité officielle qui trompait peu de monde. Interdits, le Parti communiste et le Parti socialiste genevois se rapprochèrent dans la clandestinité. De leur union devait naître le Parti du Travail. Le Parti socialiste genevois actuel descend d’une scission de l’aile droite de l’ancien PS, emmenée par Charles Rosselet.

 

Mais si nous commémorons le 9 novembre 1932 chaque année, ce n’est pas seulement en souvenir du passé. Si nous disons : « plus jamais ça ! », ce n’est pas à titre incantatoire.

 

La bourgeoisie, le bras armé de son État et le fascisme qui travaillent main dans la main contre la classe ouvrière et ses organisations, ce n’est pas seulement un problème du passé. Car le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie bourgeoise, mais son évolution par temps de crise, et la classe possédante n’hésite jamais à y faire recours lorsqu’elle se sent menacée.

 

Nous ne sommes certes pas (encore) dans la situation des années 30. Mais, face aux crises profondes qui ébranlent son système, la bourgeoisie est tentée par des solutions autoritaires. Partout de par le monde, des partis d’extrême-droite sont au pouvoir ou en sont à l’antichambre. Contrairement aux propos peu sincères des uns et des autres, entre la droite libérale et le fascisme, il n’y a pas opposition irréductible, mais dangereuse porosité. Aujourd’hui comme hier, nous devons combattre le fascisme.

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