13 février 2016

Non à l’initiative dite de « mise en œuvre », xénophobe et démagogique





Vous l’avez sans doute reçu dans votre boîte aux lettres, la dite « Edition spéciale » de l’Union Démocratique du Centre (c’est à peine une boutade de dire que le seul mot non-mensonger dans cette appellation est « du ») de janvier 2016. Ce n’est que le dernier des journaux tout-ménage qui succède à plusieurs autres. Une telle opération coûte une fortune. Visiblement l’UDC a les moyens, ce qui n’est pas surprenant : nombre de dirigeants de ce parti soi-disant « proche du peuple » sont directement issus de la grande bourgeoisie, y figurent certaines des plus grandes fortunes du pays.

Ce numéro-ci est entièrement consacré à l’initiative dite de « mise en œuvre ». En effet, il y a cinq ans, l’UDC avait lancé une initiative pour l’expulsion des « étrangers criminels », à laquelle notre Parti s’est fermement opposé. Malheureusement, cette initiative démagogique fut acceptée par le corps électoral. Deux ans à peine après cela, n’attendant même pas l’expiration du délai de cinq ans que l’initiative d’origine elle-même donnait à l’Assemblée fédérale pour voter une loi d’application, l’UDC lançait une nouvelle initiative dite de « mise en œuvre » de la précédente, soi-disant parce que la « classe politique » refusait de se soumettre à la volonté du « peuple souverain », dont le parti blochérien serait l’incarnation politique et le plus fidèle interprète.

Ce journal véhicule un discours absolument délirant, brossant le tableau d’une Suisse où les gens seraient obligés d’éviter des quartiers entiers (sic !) par crainte des criminels étrangers qui prolifèrent, et véhiculant une véritable « haine zoologique » des étrangers (ce qui est une des marques de fabrique du fascisme d’après Georges Dimitrov), massivement des criminels, parce qu’étrangers, qui pourrissent la vie des bons Suisses. Une « élite politique » indistincte, mondialiste, agenouillée devant l’ « étranger », qu’il soit eurocrate ou immigré, traîtresse au peuple souverain, lui-aussi monolithique et indistinct, et qui n’aurait que l’UDC comme représentant authentique. L’UDC redéfinit donc les clivages : d’un côté, Les étrangers (en bloc…mais les étrangers riches, fraudeurs au fisc de leur pays on ne les prend guère en compte) et Les élites politiques (elles aussi indistinctes) face au Peuple souverain (homogène), dont l’UDC incarne la volonté. Si on ne peut tracer une identité stricte entre ce parti et quelques autres de triste mémoire, les analogies sont tout de même particulièrement nombreuses et frappantes pour ne pas les prendre en compte…

Mis à part cela, ce fameux journal est rempli de simplifications et de semi-vérités, quand ce n’est pas de contre-vérités. Le nom de l’initiative lui-même est mensonger, il ne s’agit nullement d’une « mise en œuvre » du texte voté il y a cinq ans, mais d’une initiative nouvelle, et bien pire. En effet, cette initiative de « mise en œuvre » consiste à inscrire dans la constitution une liste de délits qui conduiraient automatiquement à une expulsion. De plus, une deuxième liste de délit serait inscrite dans la Constitution. Ces délits mèneraient automatiquement à une expulsion s’il y a « récidive » dans les 10 ans. Celle liste contient entre autre les lésions corporelles simples, la provocation publique au crime ou à la violence, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, dénonciation calomnieuse, faux témoignage, faux rapport ou encore d’autres infractions à la loi fédérale sur les étrangers. Il est intéressant – mais pas surprenant – de constater qu’aucun délit en matière fiscale (évasion fiscale) ou d’argent sale n’est listé. Par contre, le moindre « abus » en matière d’aide sociale conduit à l’expulsion automatique ! Les crimes pédophiles, en revanche, ne sont passibles d’expulsion automatiques qu’en cas de récidive. Pour les blochériens, grappiller quelques malheureux francs à l’aide sociale est plus grave que la pédophilie !

Si l’initiative était acceptée, voilà ce qui arriverait concrètement : si quelqu’un, né en Suisse mais sans passeport suisse est amendé pour conduite en état d’ivresse et qu’il est jugé pour menace contre un fonctionnaire dans les dix ans suivants, il sera automatiquement renvoyé dans le pays d’origine de ses parents ou de ses grands-parents.


Mais surtout, le caractère automatique de l’expulsion quoi qu’il en soit par ailleurs, la négation du principe de proportionnalité, foulent aux pieds tous les principes de l’Etat de droit, qui accordent quelques garanties aux individus, surtout à ceux qui ne font pas partie des classes dirigeantes, au profit d’une « justice » expéditive et arbitraire dont on ne sait que trop bien ce qu’elle a donné sous le joug des partis auxquels l’UDC fait fatalement penser. Les citoyens suisses mus par des sentiments xénophobes sans faire partie des classes possédantes pour autant seraient bien peu avisés de croire qu’eux ne seront en rien touchés par l’infamie qu’ils cautionnent de leurs votes. Si le combat de l’extrême-droite contre l’Etat de droit est couronné de succès, les quelques garanties juridiques qu’il apporte ne protégeront plus personne, et pour ceux qui s’imaginent que le parti du grand capital qu’est l’UDC est du côté du peuple il sera trop tard pour regretter.

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