Lorsque les travailleurs font preuve d’une unité sans faille pour la lutte, ils peuvent remporter la victoire, en Suisse comme ailleurs. Le mercredi 22 septembre, le syndicat UNIA conviait justement une conférence de presse pour fêter une telle victoire : grâce à leur détermination exemplaire et leur solidarité sans failles, les travailleurs d’EP Electricité SA, ont réussi, avec le soutient du syndicat UNIA, à faire plier une multinationale et à sauver plus de 100 emplois, repartis entre Genève, Lausanne et Neuchâtel. Une lutte qui mérite de servir d’exemple en cette période de réaction patronale !
Le 1er juillet dernier, l’entreprise EP Electricité SA, propriété de la multinationale française GDF-SUEZ depuis 2005, annonçait à ses employés qu’elle allait procéder à une cessation d’activité, et donc à un licenciement collectif échelonné sur plusieurs mois. Et ce alors même que EP Electricité avait déjà fait l’objet d’une restructuration avec une trentaine de licenciements à la clé en janvier 2009. Cette cessation d’activité était motivée par la «mauvaise situation financière» de l’entreprise, soit dans le seul but d’accroître encore les profits d’GDF-SUEZ. L’employeur prétendait que les licenciements seraient inévitables et proposait donc de négocier un plan social.
Réunis en assemblée générale le jour même de l’annonce à l’initiative du secrétaire syndical d’UNIA Nuno Dias, les salariés d’EP votèrent une résolution affirmant qu’ils n’accepteraient pas leur licenciement, exigeant que l’employeur fasse toutes les démarches nécessaires pour trouver un repreneur à la société qu’ils estimaient tout à fait viable, et réclamant le droit de consulter les comptes de l’entreprise depuis 2005 (elle avait très bien fonctionné auparavant). Une délégation du personnel, composée de 18 personnes, et qui participa à toutes les négociations, fut élue par la même occasion.
Face à l’insistance des travailleurs, qui ont réaffirmé leur position à l’occasion d’une nouvelle assemblée générale le 9 juillet et se sont dit prêts à lutter avec tous les moyens qui seront nécessaires afin de maintenir leurs emplois, l’employeur, qui initialement aurait voulu se contenter de licencier, dut accepter de négocier. Il affirma donc qu’il avait trouvé un repreneur dont il n’a pas voulu préciser l’identité, mais qu’étant donné qu’un contrat de vente-reprise ne pourrait être signé avant la mi-septembre, il était malgré tout nécessaire de mener rapidement en parallèle des négociations sur un plan social. Les employés acceptèrent, et UNIA élabora une brochure de revendications pour un plan social favorable aux travailleurs. L’employeur balaya ces revendications en bloc, voulant imposer un plan social beaucoup plus modeste et gardant un flou total sur le mystérieux repreneur et le maintien ou non des emplois.
Aussi les travailleurs décidèrent-ils de faire, pas tout à fait grève, mais du moins une cessation du travail durant l’espace d’une journée. Normalement lorsqu’il est question de cessation d’activité l’arrêt de travail a peu d’efficacité. Mais cette fois les employés d’EP surent bien choisir leur cible : le chantier le plus prestigieux de l’entreprise, le seul dont la cessation pouvait lui porter un coup dur, celui du World Economical Forum de Davos. Cette cessation de travail eut donc lieu, mais ne fut pas rendue publique afin de ne pas faire échouer les négociations sur la reprise de l’entreprise. Et l’impact de cette journée d’arrêt de travail fut immédiat. « Ça a été quand même un moment décisif car ils ont vu qu’on ne plaisantait pas. Ça a bien fonctionné, car tous ont joué le jeu bien qu’on leur ait proposé des primes de départ» explique Silvio Primiceri, membre de la délégation du personnel.
Et effectivement, EP réagit immédiatement et annonça la reprise par la coopérative CIEL, fondée en 1947, et où UNIA a des parts. Tous les postes ont été maintenus aux mêmes conditions sociales. Dans la coopérative qu’est CIEL, un représentant des travailleurs est élu au Conseil d’administration, et les employés possèdent donc un droit de cogestion. De plus, les travailleurs ont réussi à imposer un plan social généreux (retraites anticipées, indemnités de licenciement équivalentes à deux mois de salaires, indemnités de 2000 francs par année d’ancienneté, doublement du délai de congé, etc.), applicable jusqu’à la fin 2011 au cas où des licenciements devraient intervenir. GDF SUEZ assume ainsi les risques pouvant éventuellement découler de cette reprise.
Que des emplois qu’une multinationale voulait supprimer soient sauvés grâce à la lutte et repris par une coopérative est en soi exceptionnel. Cette victoire n’aurait jamais été possible sans la détermination, la solidarité et l’unité sans faille des travailleurs. «L’unité des travailleurs jusqu’au bout mérite d’être mise en avant. L’employeur a essayé de diviser, mais ça n’a pas marché, les travailleurs sont toujours restés unis et le syndicat UNIA a toujours tenu le même discours : il faut sauver les emplois. Et ce alors qu’une partie des employés auraient pu renoncer à lutter, comme ça arrive souvent, et accepter de négocier un plan social, ce d’autant que le secteur de l’électricité ne connaît pas de chômage massif et qu’ils auraient pu assez facilement retrouver un travail » explique Nuno Dias. A notre époque de réaction sur toute la ligne, cette lutte victorieuse prouve que lorsque les travailleurs sont unis jusqu'au bout la victoire est possible. Elle mérite de servir d’exemple à tous les travailleurs dans leur lutte contre l’oppression capitaliste.
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