Dmytro Yaroch, leader du mouvement
néo-nazi ukrainien Pravyi Sektor (Secteur droit) a récemment déclaré lors d’une
conférence de presse que le rêve des ukrainiens était réalisé, car
« l’armée de Bandera a franchi le Dniepr » ; Stepan Bandera
étant le fondateur de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN),
organisation ultranationaliste qui prit fait et cause pour l’occupant nazi
durant la Deuxième Guerre mondiale, et se rendit coupable d’innombrables massacres
de communistes, de Juifs et de Russes. Cette déclaration jette un éclairage
sinistre sur la situation que vit aujourd’hui l’Ukraine, dirigée par un
gouvernement illégitime issu d’un coup d’Etat comptant en son sein des
ministres issus du parti néo-nazi Svoboda (Liberté), un Etat à la dérive, au
bord de la faillite et où les bandes fascistes font la loi, un pays écartelé
entre l’Est et l’Ouest et qui s’achemine dangereusement vers une guerre civile.
L’espoir qu’ont pu caresser certains
manifestants de la place Maïdan de mettre fin au règne des oligarques et de la
corruption est bien vite retombé. Le gouvernement est tenu par le parti
Batkivtchina (Patrie), le parti, de droite, de Ioulia Timochenko, une ancienne
oligarque qui a fait fortune dans le commerce du gaz et qui a allégrement
trempé dans des affaires de corruption. Le candidat qui semble bien parti pour
remporter l’élection présidentielle est l’oligarque Petro Porochenko. Et des
oligarques ont été désignés comme gouverneurs dans les régions de l’Est du pays
(en effet, en Ukraine les gouverneurs régionaux sont directement nommés depuis
Kiev). Le nouveau gouvernement a ainsi clairement montré qu’il est quand au
fond, exactement comme le précédent, à la solde des oligarques et des
possédants. Non seulement aucune mesure n’a évidemment été prise pour mettre
fin à l’accaparement des richesses nationales par quelques uns, mais le nouveau
pouvoir n’a d’autre politique économique que de quémander des prêts de l’UE et
du FMI avec pour contrepartie une politique d’austérité brutale dont souffrira
avant tout le peuple ukrainien : baisse de retraites et hausse des tarifs
du gaz pour les ménages de 50%.
Le régime actuel est parvenu au
pouvoir en s’alliant avec une extrême-droite ouvertement néo-nazie et en jouant
la carte d’un nationalisme forcené. La traditionnelle fête de la Victoire sur
le nazisme du 9 mai est menacée d’interdiction pendant que Bandera est
publiquement célébré comme héros national et que la division de la SS de
Galicie est réhabilitée à Lviv, dans l’Ouest du pays…Pravyi Sektor et d’autres
groupuscules d’extrême-droite font la loi dans le pays, agressent des
responsables communistes et des opposants au régime putschiste en place et même
des vétérans de le Deuxième Guerre mondiale. Des locaux du Parti communiste
d’Ukraine (KPU), dont le siège central à Kiev, ont été saccagés et incendiés en
toute impunité par les néo-nazis. Des responsables communistes ont été
sauvagement battus et torturés. Certains candidats à l’élection présidentielle
ne peuvent se déplacer dans certaines parties du pays sans être agressés par
les fascistes. Le gouvernement a refusé de désarmer les milices néo-nazies, en
violation flagrante des accords de Genève, et la police n’intervient pas, ce
qui équivaut à un soutient ouvert à l’extrême-droite et à ses violences. Et le
gouvernement envisage sérieusement d’interdire le KPU. Des opposants au nouveau
régime, des partisans de la fédéralisation du pays sont arrêtés sous divers
prétextes et poursuivis en justice pour atteinte à l’intégrité territoriale de
l’Ukraine. Dirigée par un gouvernement illégitime à la botte des oligarques et
qui poursuit ses opposants en justice, livrée au violences d’extrême-droite
sous le regard indifférent de la police, l’Ukraine n’est sans doute pas,
encore, une dictature, mais ne peut guère plus prétendre au titre de
démocratie…
Face à cette dérive antisociale et
antidémocratique du gouvernement illégitime, face à un nationalisme antirusse
exacerbé, face à la terreur exercée par les milices d’extrême-droite, les
populations russophones de l’Est et du Sud de l’Ukraine se sont soulevées, avec
le soutien moral, médiatique, et peut-être logistique de la Russie. Ils
réclament un référendum sur l’autonomie de leurs régions, le droit d’élire
eux-mêmes leurs gouverneurs, la libération de tous les prisonnier politiques et
une fédéralisation de l’Ukraine. Pour se faire entendre, ils ont utilisé les
mêmes méthodes quant au fond que les manifestants de Maïdan, les rassemblements
et l’occupation des bâtiments administratifs. Mais le gouvernement illégitime
n’a pas voulu entendre leur demandes, pourtant parfaitement raisonnables et
justifiées, et pour seule réponse les a qualifié de séparatistes, ce qu’ils ne
sont pas, et de terroristes. Visiblement, ce qui était parfaitement normal de
la part des manifestants de Maïdan devient tout à coup inadmissible de la part
des habitants de l’Est de l’Ukraine, exemple typique de la politique de deux
poids deux mesures.
Les partisans de la fédéralisation
du pays dans l’Est et le Sud de l’Ukraine ont alors décidé de ne plus obéir au
gouvernement illégitime de Kiev et de prendre leur destin en main. Une
République populaire du Donbass a été proclamée à Donetsk. Des bâtiments
administratifs sont occupés. Des villes entières échappent au contrôle de Kiev.
Des milices d’auto-défense populaires armées se sont organisées. Les activistes
pro-fédéralisation tiennent à organiser un référendum le 25 mai, avec ou sans
l’accord du gouvernement et de ses oligarques gouverneurs. Le gouvernement
illégitime, au lieu de négocier, n’a d’autre réponse que la force et a commencé
une opération « anti-terroriste », lançant contre les insurgés
l’armée, les bandes néo-nazies, la garde nationale nouvellement formée et
comprenant en son sein nombre de fascistes issus des milices d’autodéfense de
Maïdan, ainsi que, d’après des rumeurs non dénues de crédibilité, des
mercenaires de Blackwater. Les forces gouvernementales et des milices
d’extrême-droite ont attaqué des check-points des militants pro-fédéralisation,
faisant plusieurs morts, dont des citoyens désarmés. Cette politique criminelle
du gouvernement putschiste menace de faire plonger le pays dans la guerre
civile.
Les médias occidentaux présentent
généralement les militants pro-fédéralisation comme des
« pro-russes », voire comme des marionnettes de Moscou. C’est
inexact. Il est vrai que l’on voit des drapeaux russes dans les manifestations
des partisans de la fédéralisation de l’Ukraine. Mais les manifestants ont de
très bonnes raisons de vouloir rechercher un rapprochement avec la Russie de
leurs régions. En effet, l’économie de l’Est de l’Ukraine, fondée sur les mines
de charbon et l’industrie lourde, dépend très fortement des exportations vers
la Russie. Si le gouvernement illégitime, lui à la solde des USA et de l’UE et
de leurs visées impérialistes, parvient à ses fins et coupe les ponts avec la
Russie, des dizaines de milliers de personnes perdraient leurs emplois. Il est
vrai aussi que la Russie soutient les mouvements populaires à l’Est et au Sud
de l’Ukraine. Bien entendu, nous ne nous faisons pas d’illusion sur les
motivations du Kremlin, qui défend avant tout ses intérêts stratégiques et veut
éviter l’encerclement de la Russie par l’OTAN. Il faut aussi tenir compte du
fait que la carte du patriotisme russe est la dernière qui reste à jouer à
Poutine pour garder un semblant de légitimité aux yeux de son peuple et masquer
le bilan catastrophique de son régime sur le plan social et économique. Mais
cette carte, justement, il l’a jouée à un point tel qu’il ne pourrait désormais
plus reculer, et si le gouvernement illégitime ukrainien devait vraiment commencer
une opération militaire d’envergure contre ses opposants, la Russie serait
amenée à intervenir pour les défendre, ce qui déboucherait sur une guerre entre
l’Ukraine et la Russie.
Il n’est pas encore trop tard pour
empêcher la guerre. Pour cela, il faut que le gouvernement putschiste ukrainien
désarme les bandes néo-nazies, libère tous les prisonniers politiques et accède
aux justes demandes des populations de l’Est et du Sud de l’Ukraine, une
autonomie accrue pour les régions et une fédéralisation du pays.
Enfin, le Parti du Travail tient à
exprimer sa solidarité avec le KPU, qui doit lutter dans des conditions très
difficiles, en butte aux persécutions de l’extrême-droite, mais qui porte
depuis longtemps avec courage la seule perspective qui réponde aux intérêts et
aspirations du peuple ukrainien : la fédéralisation du pays, la
nationalisation des biens mal acquis par les oligarques, le socialisme.
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