Voilà plusieurs jours que le
maire de Genève, Rémy Pagani, élu d’Ensemble à Gauche, fait l’objet d’un
lynchage en règle par la droite municipale, tous partis confondus, ainsi que
par la presse bourgeoise. Le PLR et le PDC, tôt rejoints par l’UDC et le MCG,
appellent avec une véritable hystérie à sa démission de sa fonction de maire,
voire de celle de conseiller administratif.
Ce qui lui est reprochée au
maire de Genève est la brochure officielle à destination des électeurs de la
Ville de Genève pour les votations populaires du 24 septembre dernier, rédigée
par ses soins et en principe avalisée par le Conseil administratif in corpore (bien que ses autres membres
aient préféré dénier toute responsabilité pour la rejeter sur le seul Rémy
Pagani). La droite municipale avait fait recours à la Chambre constitutionnelle
contre la dite brochure, qui serait une entrave au libre exercice des droits
démocratiques, dans la mesure où elle serait biaisée, plaçant en tête la
position du comité référendaire (ce qui n’est pas l’usage), et contenant une
synthèse « brève et neutre » pas vraiment neutre, puisque faisant
usage de termes évaluatifs la faisant clairement pencher du côté des
référendaires.
La Chambre constitutionnelle
donna raison aux recourants à quelques jours à peine du scrutin, et annula de
ce fait la votation prévue sur quatre référendums lancés par Ensemble à Gauche,
avec le soutien de plusieurs associations, contre quatre coupes budgétaires
particulièrement scandaleuses votées par la majorité de droite du Conseil
municipal dans les domaines des prestations sociales, de la culture et de la
solidarité internationale. Des coupes particulièrement imbéciles dans la
mesures où les comptes de la Ville sont bénéficiaires depuis plusieurs années,
et qui ne sont motivées que par la haine de la droite de tout ce qui ressemble
à une politique sociale.
Ainsi, de toutes parts on
appelle à la démission de Rémy Pagani, qui aurait par là bafoué de façon
scandaleuse la démocratie. Ses collègues du Conseil administratif s’en sont
aussitôt désolidarisés. Le PS de la Ville de Genève a même pris la peine de
faire paraître un communiqué de presse invitant Rémy Pagani de se décharger
temporairement de ses fonctions de maire à titre d’apaisement. Personne ne nie
que l’intéressé aura commis une erreur, qu’il a d’ailleurs reconnu. Mais, enfin
celle-ci justifie-t-elle tout ce cinéma grotesque ?
Rappelons tout de même que
la droite n’a aucune légitimité de donner des leçons de démocratie à qui que ce
soit. L’erreur que Rémy Pagani a commise n’est de fait pas une nouveauté dans
notre pays, même si elle peut l’être en Ville de Genève. Pas plus loin que
l’année passée, la votation sur la RIE III faillit être annulée dans le canton
de Genève, suite à un recours déposé par un citoyen, recours parfaitement
motivé par le fait que le conseiller d’Etat Serge Dal Busco (PDC) ait appelé à
voter pour la RIE III dans un courrier envoyé à tous les contribuables. La
droite genevoise ne s’était guère émue de cette propagande gouvernementale
clairement caractérisée. Et que dire de la votation fédérale sur la RIE II,
lorsque le Tribunal fédéral avait admis que le Conseil fédéral avait sciemment
menti sur les pertes fiscales que cette réforme induirait, les minorant d’un
facteur dix, mais refusa d’annuler le résultat de la votation pour autant.
En réalité, c’est plutôt la
droite genevoise qui fait entrave au libre exercice des droits démocratiques,
en empêchant, à coup de manœuvres juridiques une votation populaire. Parce
qu’elle sait pertinemment qu’elle aurait perdu face au peuple. Désormais, même
si un vote avait encore lieu cette année, et que les coupes budgétaires étaient
annulées, il ne serait pourtant pas possible de dépenser l’intégralité des
montants budgétés, faute de temps. Et puisque, ainsi que l’a répondu le Conseil
d’Etat, le vote populaire ne pourrait avoir lieu qu’en 2018, même si les coupes
budgétaires devaient être annulées par le peuple, elles resteraient pourtant
effectives, puisqu’il n’est pas possible de dépenser en 2018 des montant figurant dans le budget 2017. La
droite aura ainsi imposé son projet rétrograde malgré la volonté du peuple
souverain.
Ces considérations
permettent de comprendre qu’il s’agit d’un combat politique, où les principes
abstraits du droit et des règles démocratiques ne sont qu’un prétexte
hypocrite. Au fond, la droite genevoise veut la tête de Rémy Pagani parce
qu’elle ne supporte pas ce qu’il représente : un militant de gauche qui
l’est resté même au sein de l’exécutif, plutôt que de céder à l’idéologie du
compromis et de la collégialité. Elle ne lui pardonne pas de s’être battu
contre son agenda de démantèlement social, d’avoir lui-même massivement récolté
des signatures pour les quatre référendums qui furent annulés par la Chambre
constitutionnel.
La lutte des classes est par
nature sans pitié, tous les coups y sont permis, et la droite est dans son rôle
quant elle ne s’arrête pas devant tous les moyens qui s’offrent à elle, même
les plus déloyaux. On ne peut le lui reprocher. Mais il convient de rappeler
cette vérité à certains qui, à gauche, l’oublient, et cèdent aux arguments
hypocrites de l’adversaire de classe plutôt que de le combattre.
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