Exceptionnellement, il n’y
aura aucune votation cantonale à Genève lors du scrutin populaire du 4 mars
2018. Mais il n’en va évidemment pas de même dans tous les cantons. Les
citoyens du canton de Vaud seront en particulier les premiers en Suisse à se
prononcer sur l’initiative populaire « Pour le remboursement des soins
dentaires ! », déposée en 2014 conjointement par le POP et
solidaritéS avec plus de 15'000 signatures, et qui prévoir l’instauration d’une
assurance sociale financée sur le modèle de l’AVS, par des cotisations
paritaires employeur-employé, et servant à financer le remboursement des soins
dentaires, ainsi que la prévention en matière de santé bucco-dentaire. La même
initiative a depuis été déposée à Genève en 2016 par le Parti du Travail, avec
ses seules forces et plus de 18'000 signatures (!), à Neuchâtel par le POP et
solidaritéS, et en Valais et au Tessin par le PS (qui a repris une de nos
idées, ce qu’il convient de souligner). En attendant sans doute que d’autres
cantons suivent.
Il aura fallu trois ans pour
que finalement le peuple vaudois puisse se prononcer sur l’initiative seule,
sans contreprojet. Il s’agit d’une colossale perte de temps, qui n’était sans
doute pas justifiée. C’est que le conseiller d’Etat socialiste (dont la
réputation de « socialiste de gauche » est à notre avis quelque peu
usurpée) Pierre-Yves Maillard a tenté d’élaborer un contreprojet, qui prévoyait
un remboursement des soins dentaires limité à seulement certaines catégories de
la population (les enfants, certaines personnes âgées) financé grâce à une taxe
sur les boissons sucrées. Malgré son caractère très limité, ce contreprojet
n’était pas sans intérêt, et constituait sans doute la meilleure chance, si ce
n’est la seule, pour la bourgeoisie de torpiller l’initiative pour le
remboursement des soins dentaires.
C’était sans compter sur la
droite vaudoise, pour qui même le progrès social le plus infime est déjà
inadmissible, et qui s’est employée à vider le contreprojet de sa substance.
Avec des arguments ridicules : l’initiative coûterait de l’argent ;
il s’agirait d’une « politique de l’arrosoir » ; et surtout, la
santé dentaire serait une question de « responsabilité individuelle »,
donc, les gens n’auraient qu’à se débrouiller ; mais de toute façon ce ne
serait pas un problème, puisque, paraît-il, le fait de devoir payer de sa poche
n’aurait pas d’influence sur la fréquence des visites chez le dentiste (et
qu’importe que les faits, ou la simple évidence, disent le contraire !).
Les dentistes ont également fait un lobbying intense pour tenter de prouver que
rembourser les soins dentaires serait une très mauvaise idée, puisqu’ils
n’auraient absolument rien avoir avec les domaines couverts par la LAMal (on ne
voit vraiment pas pourquoi). Il n’est que trop évident que la seule motivation
derrière cette démagogie est la crainte de ne plus pouvoir appliquer des tarifs
complétement et scandaleusement surévalués si ceux-ci devaient être contrôlés
par une assurance sociale chargée de rembourser les soins dentaires. Bien
entendu, les représentants des dentistes jurent la main sur le cœur qu’il ne
s’agit pas de cela, qu’il n’est nullement question de défendre un privilège,
mais un « système libéral » (n’est-ce pas la même chose ? il ne
s’agit en tout cas nullement du bien des patients)
Le résultat de ces manœuvres
d’obstruction étant que le Grand Conseil vaudois a fini par n’adopter aucun
contreprojet. Le peuple votera donc sur la seule initiative, qui bénéficiera du
soutien du Conseil d’Etat, bien que celui-ci ait une majorité de droite.
L’initiative a ainsi de bonnes chances d’être acceptée par le peuple, puisqu’il
est évident à quiconque n’a pas les moyens de porter une Patek Philippe au poignet
qu’il s’agit d’une véritable urgence sociale. Les tarifs des dentistes sont à
l’évidence hors de portée pour les classes populaires, qui bien souvent
renoncent à se faire soigner les dents (ce que toutes les statistiques
démontrent), avec des conséquences parfois graves sur la santé bucco-dentaire,
et la santé en général.
A Genève, le Grand Conseil
s’est donné un délai jusqu’au mois de septembre 2018 pour tenter d’élaborer un
contreprojet à notre initiative. Vu la composition du Grand Conseil et du Conseil
d’Etat genevois, il est encore moins probable qu’il en sorte quoique ce soit
que ce ne fut le cas dans le canton de Vaud. Il est vrai par contre que cela
renvoie l’inévitable échéance de la votation populaire après les élections
cantonales (nous ne doutons pas d’ailleurs qu’il s’agisse là de la principale
motivation de la droite genevoise ; en effet, faire campagne contre une
initiative aussi évidemment indispensable n’est pas électoralement très
vendeur).
Une éventuelle – et très
probable – acceptation de l’initiative pour le remboursement des soins
dentaires par les citoyens vaudois le 4 mars aurait, quoi qu’il en soit, un
impact sur toute la Suisse, et serait un pas décisif vers un nouveau progrès
social dans notre pays.
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