Les
événements qui se sont déroulés il y a cinquante ans, au mois de mai, en
France, mais aussi dans bien d’autres pays sur la planète, y compris le nôtre,
non seulement n’ont pas été oubliés (contrairement à d’autres luttes sociales,
qui pourtant furent non moins spectaculaires, ni même moins décisives), mais ne
laissent aujourd’hui encore personne, ou presque, indifférent. Les
conservateurs haïssent encore le souvenir de Mai 68, l’accusent d’être à
l’origine de toutes sortes de phénomènes décadents qui minerait notre société,
et appellent régulièrement à en liquider l’héritage. Des néolibéraux, parfois
d’anciens soixante-huitards repentis, répètent obstinément que l’héritage de
Mai 68 est dépassé, et qu’il faut l’oublier. D’autres essaient d’en
réinterpréter la signification dans un sens libéralo-compatible. Enfin, à
gauche, Mai 68 nourrit une véritable mythologie, souvent disparate et
controversée selon les différents courants, et pas toujours fondée sur une
connaissance précise de l’histoire. Mais dans tous les cas, Mai 68 reste un
symbole très fort.
Il
fallait bien qu’il y eut quelque chose dans ces journées d’il y a cinquante ans
pour nourrir une telle charge émotionnelle. Le Parti du Travail ne pouvait pas
manquer cet anniversaire, ne pas le célébrer dignement. Nous avons choisi comme
invité d’honneur le PCF, pour faire front à toute une mythologie gauchiste –
qui se trouve être la même que celle de l’historiographie bourgeoise – visant à
diffamer le grand parti de la classe ouvrière française. Aussi pour rappeler
que Mai 68 ne fut pas seulement un mouvement de la jeunesse étudiante, mais
également la plus grande grève générale de l’histoire de France, qui n’aurait
pas pu être menée à bien sans un engagement total de la CGT et du PCF.
Mai
68 aurait-il été révolution avortée ? La propagande gauchiste – dont
certains, et non des moindres, se sont rapidement reconvertis en néolibéraux –
accuse le PCF et la CGT d’avoir « capitulé » devant le pouvoir
gaulliste en signant les accords de Grenelle, voire d’avoir sciemment étouffé
une révolution qui aurait été à portée de main. Cette vision est proprement
risible. Personne ne peut prétendre sérieusement qu’une situation
révolutionnaire existait alors en France. Le pouvoir gaulliste était certes
ébranlé, mais nullement en déliquescence. Tous les ouvriers en grève, et de
loin, ne nourrissaient pas forcément de sentiments révolutionnaires. Et la
France restait encore un pays largement rural, dont les campagnes étaient
profondément conservatrices.
Malgré
tout, la grève générale permit de remporter des progrès majeurs dans les
droits des travailleurs et les droits syndicaux, une importante revalorisation
des salaires…acquis dont on peut aujourd’hui pleinement mesurer la valeur,
alors que le Jupiter de pacotille qui gouverne aujourd’hui la France au service
de la bourgeoise s’emploie à les détruire.
Nous
reproduisons du reste dans ce numéro de l’Encre Rouge un historique détaillé
des événements de Mai 68 en France, paru dans le n°90 des Cahiers d’histoire de l’Institut CGT d’histoire sociale de Haute
Savoie, de la plume de Jean-Paul Dunoyer, afin d’offrir à nos lecteurs un
exposé honnête et aussi exact que possible des faits, qui sera assurément
hautement intéressant et instructif.
Mais,
comme nous l’avions dit, les événements de Mai 68 n’ont pas touché que la
France, mais aussi un certain nombre d’autres pays sur la planète, depuis
l’Allemagne jusqu’au Japon, en passant par le Mexique. Notre pays, la Suisse,
où une certaine mythologie conservatrice voudrait fait croire qu’il ne s’y
passe jamais rien, et où l’on fait tant d’effort pour faire oublier les luttes
passées, connut également son mouvement de Mai 68. Pas aussi important
quantitativement qu’en France certes, mais qui ne fut pas négligeable non plus.
Et qui transforma profondément et durablement la société suisse.
Il
faut se rappeler en effet quel pays était la Suisse d’après-guerre :
repliée sur elle-même, profondément conservatrice, outrancièrement militariste
– la propagande officielle pouvait alors dire que « La Suisse est une
armée » –, étouffant dans la paranoïa anticommuniste de la guerre froide,
répressive envers tout écart, vite traité comme haute trahison. Notre Parti a
joué un rôle plus qu’honorable dans ces événements. Il est bon de le rappeler.
Aussi,
à notre époque, où un long lavage de cerveau néolibéral a imposé comme un
quasi-axiome que rien d’autre n’est possible que la société actuelle, et où il
semble à beaucoup de gens plus facile d’envisager l’extinction prochaine de
l’humanité que la fin du capitalisme, les années 68 demeurent plus que jamais,
malgré ou à cause de leur complexité et de leurs contradictions, de par le
foisonnement et la radicalité des pensées critiques qui y ont prospéré, une
indispensable source d’inspiration pour sortir enfin de la camisole mentale du
« there is no alternative » thatchérien, pour enfin pouvoir pour de
vrai changer le monde et changer la vie.
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