Certains s’en rappellent
peut-être, c’était il y a 11 ans où Pierre Maudet entamait ce qui semblait
s’annoncer comme une longue et brillante carrière, en étant élu pour la
première fois au Conseil administratif de la Ville de Genève. Sa campagne
électorale, il l’avait faite notamment en calomniant honteusement André
Hediger, alors conseiller administratif et élu du Parti du Travail, à propos de
la soi-disant « affaire des amendes ». M. Maudet promettait alors,
avec toute la démagogie dont il était capable, que son élection inaugurerait
l’avènement de l’honnêteté, de la rigueur et du dévouement à la république. On
a surtout vu ce que c’était que le remplacement d’un magistrat ouvrier par un
homme de droite, moins toutes les belles promesses…Récemment encore, la droite
genevoise, dont M. Maudet était à ce moment le champion, avait intenté un tout
aussi grotesque procès à Rémy Pagani, maire de Genève Ensemble à Gauche,
l’accusant quant au fond…d’être resté fidèle au programme sur lequel il avait
été élu, y compris sur ses dispositions que déplaisent particulièrement à la
droite. Inutile de préciser que les « affaires » Hediger et Pagani
n’ont jamais été autre chose que médiatiques ; en particulier il n’y a
jamais été question de poursuite par le Ministère public…
Actuellement, Pierre Maudet
est dans une bien mauvaise passe. Il essaye désespérément d’utiliser la carte
des regrets tardifs, après avoir déjà brûlé celles du mensonge et de
l’arrogance, pour tenter de s’en sortir d’une affaire autrement plus fâcheuse que
celles qu’il avait par le passé monté en épingle contre ses adversaires
politiques. Ses mensonges successifs se sont effondrés sur les récifs de
l’évidence des faits. Ce n’est pas nous qui le disons, mais le procureur
général, lui aussi PLR, Olivier Jornot, qui a été obligé de demander au Grand
Conseil de lever l’immunité de Pierre Maudet, afin de pouvoir le poursuivre
pénalement. M. Maudet a dû de son côté finir par avouer avoir « dissimulé
une partie de la vérité » (élégant euphémisme). Plus grave encore pour lui
que le coûteux cadeau du prince héritier d’Abu Dhabi, plusieurs autres affaires
– certes encore sujettes à caution – ont ressurgi, et qui tendent à laisser
penser que la corruption aurait été non pas une « erreur »
exceptionnelle dans son parcours, mais une pratique systématique. Il a bien sûr
le droit à la présomption d’innocence, mais enfin, les faits semblent un peu
trop flagrants. Du reste, il s’est de toute manière totalement discrédité avec
ses mensonges. Un président du Conseil d’Etat en fonction poursuivi pénalement
pour corruption, on n’avait jamais vu ça à Genève. Et dire que cet homme avait
failli accéder au Conseil fédéral ! De quoi aurait eu l’air la
Suisse ?
La presse qui n’avait hier
encore d’yeux que pour lui ne retient aujourd’hui guère ses coups, ses soutiens
se raréfient, les appels à sa démission se multiplient, et même son propre
parti, le PLR, a condamné ses mensonges. Mais, on ne sait comment, M. Maudet
croit avoir conservé la confiance des Genevois. Il a gardé à ce qu’il semble du
moins celle de ses collègues, qui, lui ayant certes retiré quelques
attributions qu’il serait trop choquant qu’il conserve étant sous enquête
pénale, ne l’ont pas moins maintenu à la présidence du Conseil d’Etat, à la
tête de la police…et à celle de l’Aéroport ! Genève est devenue une
véritable république bananière… Il faut le dire clairement, cette farce
navrante est intolérable et doit cesser. Pierre Maudet n’a plus aucune
légitimité morale pour continuer à siéger au Conseil d’Etat, et doit démissionner.
Toute cette affaire a tout
de même quelques allures d’histoire édifiante. La calomnie et l’arrivisme ne
payent pas toujours, il y aurait comme une justice en ce monde. Au-delà de
l’aspect moral, on peut s’interroger si le cas de Pierre Maudet est tellement
exceptionnel. Il serait tout de même surprenant que dans un pays capitaliste, où
des intérêts financiers aussi colossaux sont présents, la corruption de l’élite
politique fût inexistante. Il suffit de penser à la plaie qu’une corruption
généralisée de ce type représente pour tant de pays pour voir qu’il ne s’agit
aucunement d’une question sans importance pour un parti tel que le nôtre. Mais
cette plaie ne touche-t-elle pas déjà la Suisse, et ce en toute légalité ?
En effet, il existe dans notre pays, à côté de la corruption illégale que M.
Maudet incarnerait (présomption d’innocence oblige), une autre forme de
corruption, elle totalement légale : ces élus qui siègent parallèlement
dans des conseils d’administration de grandes entreprises, de caisses maladies,
etc. ; qui les rémunèrent grassement en jetons de présence, et dont ils
défendent en retour les intérêts, plutôt que ceux de leurs électeurs. Est-il
plus grave de se faire corrompre, légalement, par une caisse privée ou par une
banque que, illégalement, par un prince héritier ? Les dégâts ne sont en
tout cas pas moins grands. Rappelons que les magistrats ne peuvent tremper dans
ce type de corruption légale tant que dure leur mandat…par contre ils sont
souvent récompensés ainsi à la fin de celui-ci. En ce sens, la droite suisse,
dont les élus fédéraux cumulent à eux tous un nombre incalculable de conseils
d’administration, EST le camp de la corruption. C’est notamment à cause de
cette pratique que nous devons payer des primes d’assurance maladie de plus en
plus chères, et subir la tyrannie mafieuse des caisses privées. Est-il si
étonnant que d’autres formes de corruption aient pu naître dans un camp où une
forme de celle-ci est consubstantielle de son identité politique. C’est à tout
ce système qu’il convient de s’attaquer, au-delà du cas, choquant, de l’affaire
Maudet.
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