Ce
28 octobre, le Brésil s’est retrouvé avec pour président élu un fasciste, en la
personne de Jair Bolsonaro. Il convient en effet d’appeler les choses par leur
nom. Bolsonaro n’est pas un « populiste » (dans son vocabulaire,
signifie « du côté des classes populaires », et donc pratiquement
aussi haïssable que le vocable de « communiste »), ni un « Trump
tropical ». Aussi détestable et réactionnaire puisse être l’actuel locataire
de la Maison blanche, ce serait banaliser de façon scandaleuse ce que Bolsonaro
représente que de l’assimiler à lui.
Cet
ancien militaire de carrière est ouvertement un nostalgique de la dictature
militaire, qui aurait eu, d’après lui, seulement le tort de s’être contentée au
lieu de tuer (ce régime a pourtant fait pas moins de 200'000 morts). Activement
soutenu par une hiérarchie militaire qui n’est jamais intervenue autant dans la
vie politique brésilienne depuis la fin de la dictature, Bolsonaro a affirmé
avec constance durant sa campagne vouloir en finir par la force avec ce qu’il
nomme les « marginaux rouges », à savoir toute opposition de gauche,
tout mouvement populaire : à ses opposants, il promet de laisser le choix
entre l’exil ou la prison. Trump, lui, n’a jamais rien dit ni sous-entendu de
pareil. L’éradication par la force du mouvement ouvrier, c’est bien une
caractéristique essentielle du fascisme. Bolsonaro a également promis à la
police une immunité totale pour l’usage de leurs armes en service. Quand on
sait que la police brésilienne est déjà une de celles qui tire le plus
facilement à balles réelles, surtout sur les habitants des favelas, on peut
s’attendre à un bain de sang.
Pour
ce qui est de son programme économique, Bolsonaro est un adepte du général
Pinochet : néolibéralisme, imposé par une dictature militaire. Son
conseiller économique, et futur ministre, Paulo Guedes, est un Chicago boy, qui
a conçu un plan de privatisation de l’intégralité des entreprises publiques, et
d’un plan d’austérité drastique, visant à ne laisser à l’Etat que ses seules
prérogatives régaliennes (police, justice, armée, diplomatie). Bolsonaro
prévoit également de fusionner les ministères de l’environnement et de
l’agriculture ; but : arrêter toute politique écologiste, et livrer
l’Amazonie aux multinationales de l’agroalimentaire et aux entreprises
minières. Pour cela, il prévoit également d’expulser par la force les peuples
autochtones de leurs terres. Son programme en politique étrangère :
alignement total sur les USA. Et sinon un retour à « l’ordre
moral » : misogynie, homophobie, racisme, et même théocratie.
Comment
un tel personnage a-t-il simplement pu être élu à la présidence d’un pays qui
se veut démocratique ? C’est qu’il a bénéficié de puissants soutiens :
le patronat brésilien, une grande partie de la droite, une implication directe
des USA et de la CIA, ainsi que le puissant lobby des églises évangéliques
(véritable officine de la CIA un peu partout sur la planète). Sans parler de
l’aide de la justice : le juge Sergio Moro, qui a fait emprisonner Lula,
comme il l’a avoué sans preuve, sera nommé ministre de la justice pour service
rendu…
Mais
il faut malheureusement reconnaître que si Fernando Haddad ne réussit pas à
gagner face à Bolsonaro, ce n’est pas seulement parce qu’il n’est pas Lula ou
qu’il ait commencé sa campagne électorale trop tard. Il faut admettre que le PT
a déçu les espoirs qu’il avait suscités. Elu sur un programme très à gauche, le
président Lula avait par la suite mené une politique modérément réformiste, qui
eut malgré tout des résultats positifs pour les classes populaires du fait
qu’elle prenait place durant une période de croissance. Pendant ce temps, le PT
s’installa dans les ors du pouvoir et perdit la radicalité de ses origines. Lui
succédant, Dilma Roussef, elle, dut faire face à la crise économique. Pour y
faire face, elle choisit d’opérer un virage à droite, menant des
privatisations, certaines mesures d’austérité, et réprimant le mouvement
populaire qui les combattait.
Mais,
sous peine de sombrer dans la campagne de fake news anti-PT, il est nécessaire
de rappeler une vérité fondamentale. Le PT n’est plus au pouvoir depuis le coup
d’Etat institutionnel perpétré par le « parlement des voleurs », la
majorité parlementaire de la droite brésilienne, à l’encontre de présidente
élue Dilma Roussef, sur la base d’accusations mensongères, et la remplaçant à
la tête de l’Etat par le vice-président Michel Temer. Le gouvernement
illégitime de Temer a commencé immédiatement une campagne de privatisations
d’entreprises publiques, provoquant une juste colère populaire, et creusant, du
fait du dégoût légitime pour l’establishment politique, la brèche par où allait
passer Bolsonaro. Au Brésil, comme ailleurs, la droite libérale, ou
« républicaine », n’est jamais un rempart contre le fascisme, mais
toujours son marchepied.
Certes,
si un fasciste est président élu, le Brésil n’est pas encore une dictature
fasciste. Lorsque Bolsonaro entrera en fonction, il devra composer avec un
parlement où il n’a pas la majorité, et qui comprend une bonne trentaine de
partis. Mais Hitler ne disposait pas non plus de majorité au Reichstag en 1933.
C’est la droite bourgeoise « non-nazie » qui choisit de voter la
confiance à son gouvernement. Gageons que la bourgeoisie brésilienne, qui a
déjà porté Bolsonaro au pouvoir, n’hésitera pas devant ce dernier pas :
lui donner une majorité parlementaire. Mais, ce qui compte vraiment, c’est que
le mouvement populaire du Brésil est loin d’avoir été écrasé. Même après s’être
emparé des rênes de l’Etat le fascisme peut être vaincu par la lutte. Notre
devoir est d’apporter un soutien sans failles aux communistes brésiliens, qui
ont annoncé ne rien avoir perdu de leur détermination, dans ce combat
difficile.
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