Le code pénal contient un
article rendant passible de poursuite la discrimination et l’incitation à la
haine fondées sur l’appartenance raciale, ethnique et religieuse. Le code pénal
militaire contient un article rigoureusement identique. L’Assemblée fédérale a
adopté une proposition du conseiller national valaisan socialiste Mathias
Reynard d’élargir cette disposition à la discrimination en raison de
l’orientation sexuelle. L’UDF, parti protestant fondamentaliste et
d’extrême-droite, a lancé le référendum contre cette modification (comme ils
avaient de la peine à faire signer, certains de leurs militants ont utilisé
systématiquement une tactique mensongère : faire croire aux citoyens
qu’ils faisaient signer contre
l’homophobie dans l’armée). A Genève, seuls l’UDF, l’UDC, le Parti évangélique
et perspective catholique se positionnent pour le NON.
Cet élargissement répond à
une nécessité, car la loi actuelle n’offre des protections que très indirectes
et aléatoires contre les discriminations sur la base de l’orientation sexuelle.
De ce fait, ces discriminations sont une réalité malheureusement répandue, et
la haine homophobe courante et parfois d’une violence extrême. Or, ces propos
de haine ne sont pas anodins. Ils peuvent briser des vies, conduire à des dépressions,
inciter à des actes de violence, et parfois mener au suicide. Il s’agit de
propos rétrogrades et incompatibles avec une coexistence civilisée, qu’il faut
pouvoir combattre. On peut regretter en revanche que le législateur n’ait pas
eu le courage d’élargir l’extension de la norme anti-discrimination à
l’identité de genre. Pourtant, la protection légale contre la discrimination
transphobe serait indispensable pour les personnes concernées.
Remarquons que cette
extension n’ouvrirait pas la porte à une répression indiscriminée. Des
comportements homophobes ne seraient punissables que dans des conditions bien
déterminés : il faut qu’ils soient publics (les propos proférés dans un
cadre privé ne sont pas concerné), intentionnels, de nature à porter atteinte à
la dignité humaine. Refuser une prestation destinée à l’usage public en raison
de l’orientation sexuelle de la personne ne sera pas autorisé non plus (par
exemple, un restaurant ne pourra pas refuser de servir des clients parce qu’ils
sont homosexuels). Exprimer des opinions critiques – s’opposer au mariage pour
tous par exemple –, de même que les plaisanteries et les caricatures, si elles
n’ont pas un caractère de nature à appeler à la haine, resteront autorisés. Et
quant on pense que l’existence d’une norme pénale antiraciste n’empêche
nullement le premier parti du pays à la frôler, à la transgresser bien souvent,
en toute impunité, on n’a pas trop à s’inquiéter de l’instauration d’une
censure d’Etat.
La censure, c’est pourtant ce que les opposants
craignent, et en appellent à la liberté menacée. De quelle liberté ont-ils peur
d’être privés ? Liberté de tenir ouvertement des propos homophobes ?
Ils disent bien que non. Mais que cette liberté n’existe plus ne serait pas un
mal. Car la liberté des uns doit s’arrêter lorsqu’elle menace celle des autres.
Aux USA, c’est au nom d’une liberté d’expression voulue « absolue »
(pas absolue au point de concerner les communistes tout de même) que le Ku Klux
Klan peut toujours exister en toute légalité. Cette forme de
« liberté » là n’a rien de souhaitable. Les opposants, issus de
milieux religieux, craignent aussi ne plus pouvoir prêcher dans les églises les
versets de la Bible qui qualifient les rapports sexuels entre individus de même
sexe d’ « abomination ». Citer la Bible n’aura pourtant rien
d’illégal, à moins de l’utiliser pour prêcher la discrimination et la haine
envers les homosexuels. Les opposants tiennent-ils à pouvoir prôner une lecture
littéraliste de ces passages, comme le fond certains fondamentalistes aux USA,
avec une violence extrême ? Il y a pourtant d’autres passages dans
l’Ancien Testament qu’il ne serait pas possible aujourd’hui de prôner de façon
littéraliste sans être passibles de poursuites pénales, et pour de très bonnes
raisons. L’obscurantisme, le fanatisme religieux n’a pas sa place dans une
société civilisée, et la liberté religieuse doit aussi avoir sa limite face à
la loi.
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