Bien que la bourgeoisie suisse n’ose pas ou ne veuille pas l’admettre, le secret bancaire est bel et bien à l’agonie. Contrairement aux accusations aussi grandiloquentes que ridicules (« la cinquième colonne prépare la capitulation ») du libéral Pierre Weiss envers la gauche qu’il accuse de « trahison envers la patrie » (c'est-à-dire envers les banques suisses), c’est le Conseil fédéral à majorité bourgeoise qui a « capitulé », après quelques gesticulations et protestations de forme, face à ses rivaux impérialistes étatsuniens et européens, acceptant de conclure avec eux des traités supprimant pour leurs contribuables la subtile distinction entre fraude et soustraction fiscale, distinction qui constitue de facto le secret bancaire helvétique (et non pas la protection des données, impliquant que les services de l’Etat n’aient accès aux informations relatives au compte d’un individu qu’en cas de poursuites pénales, ce qui est le cas partout). Cette distinction entre fraude fiscale qui est punissable et soustraction fiscale qui ne l’est pas consiste simplement, au-delà de toutes les subtilités et sophismes de juristes, qu’un contribuable peut en toute légalité détourner une partie de ses revenus imposables, les cacher au fisc, s’il le fait assez subtilement (s’il commet une soustraction et non une fraude).
Ce subtil système a permis à des riches contribuables américains et européens, à des dictateurs des pays pauvres, à des mafieux, mais aussi à des riches contribuables suisses de soustraire des sommes gigantesques au fisc de leurs pays, de voler à leurs pays des fortunes qui auraient dû financer des prestations sociales, et cela sans être inquiétés, car protégés par la loi suisse. Le secret bancaire helvétique n’est donc pas autre chose qu’un soutien au vol, au détournement fiscal et au blanchiment d’argent. C’est ce qui a fait écrire à Jean Ziegler La Suisse lave plus blanc. Durant les années fastes, l’existence des paradis fiscaux, dont la Suisse, arrangeait les bourgeoisies européennes et nord-américaines qui en profitaient grandement. La crise mit fin à cet état de fait. Le laisser-faire néolibéral a mené le capitalisme à une crise sans précédent. Pour sauver le système de propriété privée qui est source de la richesse de leurs classes dirigeantes, les Etats bourgeois sont obligés de mettre en place un minimum de régulation, mais surtout renflouer leurs banques à coup de milliards pour les sauver de la faillite, c’est-à-dire faire payer une fois de plus leur crise à leurs peuples. Sous peine de se retrouver en faillite, les Etats bourgeois ne peuvent désormais plus tolérer qu’une partie de leurs possédants détournent leurs revenus du fisc.
Les bourgeoisies étatsuniennes et européennes se sont entendues pour liquider les paradis fiscaux et les off-shores, qu’elles considèrent être incompatibles avec leur plan de sauvetage du capitalisme, comme mesure anti-crise. Le Luxembourg, Liechtenstein, Andorre, l’Autriche… ont déjà cédé ou sont prêts à céder. Les Iles Caïman, Hong Kong, Macao… n’ont pas encore été inquiétés, mais leur tour va probablement bientôt venir. Dans cette situation, la bourgeoisie suisse n’avait d’autre choix que de « capituler » (si l’on veut reprendre la fanfaronne métaphore martiale de Pierre Weiss). Le secret bancaire n’est toutefois pas mort pour autant : des dictateurs africains ou des mafieux des pays de ce qui fut l’URSS pourront encore en profiter pour cacher dans les coffres forts suisses l’argent volé à leurs peuples… de même que des contribuables helvétiques fraudant le fisc suisse ! Toutefois, la panique de la bourgeoisie helvétique n’est que trop compréhensible : privée de la possibilité d’héberger des fortunes détournées par de riches européens et américains ne peut que la priver d’une part appréciable de ses revenus.
Face au tintamarre propagandiste grandiloquent (dont monsieur Weiss est sans doute le meilleur exemple) qui cache mal la panique de la bourgeoisie suisse, nous ne devons pas tomber dans le piège, tendu par l’ennemi de classe, de croire que sommes pas « tous dans le même bateau ». En tant que Parti communiste, il est de notre devoir de rappeler l’antagonisme fondamental entre les classes. Contrairement aux mensongers que la bourgeoisie distille à longueur de journées, le secret bancaire ne profite nullement aux travailleurs suisses. Tout au plus avons-nous reçu pendant ces dernières décennies quelques os de la table des patrons, des os qu’ils avaient eux-mêmes volés aux peuples des pays néo-colonisés. Certes les banques suisses payent des impôts qui servent à financer quelques maigres prestations sociales que les bourgeois nous ont presque toutes déjà enlevées. Mais si le niveau de vie moyen en Suisse est l’un des plus élevés au monde, le pays n’en est pas moins extrêmement inégalitaire (un million de personnes, soit environ un septième de la population totale, en dessous du seuil de pauvreté selon Caritas) et plus inégalitaire que ses voisins qui ne connaissent pas de secret bancaire.
C’est que, que les banques suisses se gavent de l’argent volé aux autres peuples de la planète ne rapporte pas pour autant le moindre bien être, ni le moindre emploi pour les travailleurs suisses. Car les banques privées ne peuvent avoir pour seul but que le profit maximum, elles ne vont donc pas investir leurs précieux trésors volés aux peuples de la planète dans l’économie réelle helvétique avec des salaires décents à la clé. L’usage qu’elles ont fait jusque là de leur argent n’est que trop connu : délocalisations industrielles dans les pays pauvres avec des salaires de misère à la clé, « restructurations » d’entreprises avec licenciements de masse et baisses de salaires, spéculations… prospérité qui a fini dans les subprimes américains, si bien que le peuple suisse a dû payer l’ardoise d’UBS. Continuer la politique que la droite et la social-démocratie veulent continuer ne peut conduire la Suisse à un autre destin que celui de l’Islande : la faillite intégrale. Vouloir sauver le capitalisme dans le fol espoir que la bourgeoisie suisse redevenue hautement bénéficiaire ait l’immense bonté de partager un peu sa richesse est absurde ; quelque soit la façon dont on pose l’équation, l’issue pour les travailleurs est toujours la même : la crise, le chômage, la misère. Face à un capitalisme désespérément en crise qui n’a rien à offrir aux peuples à part de le suivre dans le gouffre, nous devons porter haut et fort le vieux slogan des révolutionnaires russes : « Tu obtiendras ton droit dans la lutte ». Pour rompre avec ce non-avenir de chute dans le gouffre, nous devons arracher le pouvoir à cette bourgeoisie arrogante qui ne peut rien nous apporter à part la misère et la crise, afin de mettre en place une économie planifiée, une économie socialiste qui seule est capable de satisfaire les aspirations des peuples.
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