L’initiative 155, intitulée
« touche pas à mes dimanches », lancée par les syndicats genevois en
2013 et soutenue dès le départ par le Parti du Travail, stipule que « Sous
réserve de l’article 18 et à moins que la présente loi n’en dispose autrement,
tous les magasins doivent être fermés le dimanche et les jours fériés légaux
sauf ceux qui sont au bénéfice d’une disposition dérogatoire de l’ordonnance 2
relative à la loi sur le travail du 10 mais 2000 (OLT2) autre que l’article 25
OLT2 ». Le but de l’initiative est clair : maintenir le dimanche comme
jour férié pour les travailleurs de la vente ; avec maintien de
l’exception pour les magasins situés à la gare de Cornavin et l’aéroport, les
stations-service et les petits commerces indépendants qui bénéficient déjà
d’une dérogation.
L’allusion à l’article 25 de
l’OLT2 explique pourquoi l’initiative a été lancée. C’est que, ayant échoué à
plusieurs reprises en votation populaire d’imposer une extension de l’horaire
d’ouverture des magasin – parce que, contrairement à ce que nous martèle une
certaine propagande, le peuple n’est nullement demandeur d’une telle
ouverture ! – la droite de ce pays, ne s’avouant pas vaincue, a trouvé une
astuce pour quand même arriver à ses fins : passer par voie d’ordonnance,
et ainsi contourner le droit de référendum ! Le conseiller aux Etats
démocrate-chrétien tessinois, Fabio Abate, a ainsi persuadé ses collègues de
modifier l’ordonnance 2 relative à la loi sur le travail, afin de permettre aux
commerces situés à moins de 15 Km à vol d’oiseau de la frontière helvétique de
faire travailler leurs employés le dimanche et les jours fériés si toutefois
ils répondent aux besoin du tourisme international et sont situés dans une zone
reconnue comme touristique. Il n’existe actuellement aucune zone reconnue
touristique dans le canton de Genève. Mais il serait à tout moment possible de
définir une telle zone, par voie d’ordonnance, et l’ensemble du territoire
cantonal serait potentiellement concerné. La droite ayant trouvé une parade
pour contourner le droit de référendum, les syndicats genevois à leur tour ont
trouvé la parade à ce contournement en bloquant par avance l’application de
l’astuce inventée par M. Abate par voie d’initiative populaire. Et même si la
menace n’est à ce jour que potentielle, l’initiative est pourtant loin d’être
sans objet ou inutile.
Face à cette initiative, la
majorité du Grand Conseil a décidé d’opposer un contre-projet ouvrant la
possibilité d’ouvrir les commerces trois dimanches par an, en plus du 31
décembre…à condition que ceux-ci soient protégés par une convention collective
de travail étendue, obligatoire pour toute la branche. En cas d’infraction à la
dite convention, notamment en ce qui concerne le repos compensatoire, l’Etat
peut ordonner la fermeture du commerce, ainsi qu’une amende administrative qui
peut aller de 300 à 60'000 francs. En pratique, la possibilité de l’ouverture
des commerces trois dimanches par an est surtout théorique, dans la mesure où
la conclusion d’une CCT étendue obligatoire de branche requiert le quorum de
50% plus un employeur. Or, étant donné le très grand nombre d’employeurs
concernés, dont beaucoup de petits commerces, un tel quorum est pratiquement
impossible à atteindre. C’est malgré tout une petite porte ouverte en direction
de l’extension de l’horaire d’ouverture des magasins…
Le Parti du Travail soutient
fermement l’initiative. En effet, une extension de l’horaire d’ouverture des
magasins se ferait avant tout au détriment des travailleurs de la branche –
dont une majorité de travailleuses – qui en pratique se verraient contraints
d’accepter, s’ils veulent garder leur travail, de travailler plus longtemps,
pour assurer une ouverture supplémentaire dont le peuple n’est pas demandeur et
qui n’est en rien nécessaire. Nous estimons que les possibilités qui existent
de faire quelques achats le dimanche sont tout à fait suffisantes. Par
ailleurs, le dimanche est le seul jour de congés dont la plupart des gens
bénéficient. Nous tenons à ce que ce jour reste consacré au repos, pas à la
consommation, ni a fortiori au
travail pour la rendre possible. Vouloir des commerces ouverts 7/7 et 24/24
n’est pas un projet de société raisonnable, mais une pure lubie néolibérale –
ou un calcul des grands commerces qui pourraient ainsi éliminer la concurrence
des petits qui font une bonne partie de leur chiffre d’affaire le dimanche et
ne survivraient pas forcément si tous les magasins étaient ouverts 7/7. Nous
rejetons par contre le contre-projet, car, bien qu’il pourrait contribuer à la
signature d’une CCT, ce qui serait un progrès appréciable pour les travailleurs
de la vente qui à ce jour n’en bénéficient pas, il ne s’agit là que d’une
possibilité théorique. En revanche il constituerait une petite porte ouverte en
faveur d’une ouverture étendue des magasins, et, selon la bonne vielle tactique
du saucissonnage dont la droite a la maîtrise, un ballon d’essai pour aller
plus loin dans cette direction.
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