Le Conseil d’Etat a donc dû se résoudre à déclarer notre initiative populaire « pour le remboursement des soins dentaires » - initiative que nous avions déposée l’été passé avec le chiffre record de plus de 18'000 signatures, récoltées par nos seules forces, ou presque – valide. L’initiative est donc transmise au Grand Conseil, qui en a d’ores et déjà parlé en plénière ce jeudi, pour la renvoyer en commission, selon la procédure. Ensuite, elle suivra son cours, jusqu’à la votation populaire. Non pas que nous ayons jamais douté que notre initiative soit juridiquement inattaquable, mais la validation est la chose la plus importante que le Conseil d’Etat ait dit à ce sujet dans son point de presse du mercredi 11 janvier.
Il se fait
également que le Conseil d’Etat appelle le Grand Conseil à rejeter notre
initiative, ce qui ne nous étonne guère. Nous ne sommes pas surpris non plus de
l’inanité des arguments que le gouvernement cantonal oppose à notre texte, qui
à vrai dire ne sont que d’assez pitoyables arguties.
Après un
rappel tout à fait exact de la teneur de notre initiative – « L’IN 160 a
pour objectif lutter contre les effets médicaux de l’exclusion des soins
dentaires de certaines couches paupérisées de la population. Elle demande
l’introduction d’une nouvelle disposition dans la constitution de la République
et canton de Genève pour que l’Etat mette en place une assurance obligatoire
pour les soins dentaires de base ainsi qu’un dispositif de prévention en
matière de santé bucco-dentaire. Le financement de cette assurance serait
assuré, pour les personnes cotisant à l’assurance vieillesse et survivants
(AVS), par un prélèvement analogue à celui de l’AVS et, pour les autres, par la
politique sanitaire cantonale. » – Le Conseil d’Etat ne trouve à lui
opposer qu’une expertise non-définie d’une « communauté scientifique
internationale », qui aurait « démontré » que l’essentiel dans
le domaine de la santé bucco-dentaire serait de ce concentrer sur la
« prévention », que les « actions les plus efficaces »
seraient celles qui « ciblent les groupes les plus exposés », et que,
paraît-il, « le type de financement de soins dentaires n’a pas un impact
suffisant pour niveler les disparités socio-économiques ».
Le Conseil
d’Etat rejette donc notre initiative. Et que propose-t-il à la place ?
Mais rien ! , puisque, à ce qu’il paraît, tout va pour le mieux dans le
meilleur des mondes possibles. Ou comme il le dit lui-même « le canton de
Genève bénéficie déjà d’une forte présence au niveau de la prévention et de la
promotion de la santé bucco-dentaire, que ce soit au niveau scolaire ou par des
aides financières distinctes selon les situations ». Bref, brossez-vous
les dents trois fois par jour, et si vous n’avez pas assez d’argent pour vous
faire soigner les dents, tant pis pour vous !
Cette
argumentation est absolument pathétique. Elle peut convaincre, il est vrai, les
membres du Conseil d’Etat eux-mêmes, dont les salaires sont suffisamment confortables
pour estimer que le mode de financement des soins bucco-dentaires n’est qu’un
détail sans importance. Opposer le remboursement des soins dentaires à la
prévention est absurde, sauf à croire que les gens arrêteraient du jour au
lendemain de se brosser les dents sitôt que leurs frais de dentistes seraient
remboursés. Rappelons pourtant que l’assurance que nous préconisons vise à
couvrir les soins de base ET la prévention. On ne sait trop quelle chimérique
expertise le Conseil d’Etat est allé cherché. Il aurait mieux fait d’aller
regarder simplement des publications locales, comme par exemple une étude de
l’Unité d’épidémiologie populationnelle des HUG, parue en 2012, et qui dit
notamment qu’« une personne sur cinq renonce à se faire soigner pour des raisons
financières » et que ce nombre passait à « une personne sur trois
dans les ménages les plus pauvres ».
Du reste, pour
la plupart des habitants de Genève, qui n’ont pas un salaire de Conseiller
d’Etat pour vivre, il n’est pas nécessaire de citer des études scientifiques
pour prouver la justesse et la nécessité de notre initiative. Tant il s’agit
d’une réalité criante que mis à part les quelques dispositifs cités par le
Conseil d’Etat et qui ne sont guère qu’une goutte d’eau dans la mer, il
n’existe à Genève que des cliniques dentaires privées, dont les frais sont
exorbitants, hors de la portée des classes populaires. Comme le dit l’adage,
les petits problèmes des petites gens ne sont petits que pour ceux qui ne les
vivent pas au quotidien, les hommes d’Etat bourgeois.
Bref –
argumentaire pathétique du Conseil d’Etat mis à part – l’essentiel est que
l’initiative populaire « pour le remboursement des soins dentaires »
sera soumise au Grand Conseil, et suivra son cours jusqu’à la votation
populaire. Nous avons bon espoir qu’elle puisse être acceptée par le peuple en
votation – l’accueil enthousiaste que nous avions massivement reçu lors de la
récolte de signatures nous donne de bonnes raisons de penser que la population
en sa majorité ne partage pas l’avis du Conseil d’Etat – et nous nous battrons
résolument et avec détermination pour cela.
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