Comme dans tout pays
capitaliste, en Suisse le Premier mai est avant tout une journée de lutte, sans
concessions, des travailleurs pour leurs droits et contre l’oppression
patronale. Mais du moins avons nous la possibilité de mener cette lutte dans la
légalité, ce qui nous permet de faire du Premier mai aussi une fête populaire.
Dans l’Ukraine « démocratique », après le coup d’Etat
« pro-européen » de Maïdan, c’est un Premier mai bien différent qui
se profile pour nos camarades ukrainiens. Le gouvernement en place a purement
et simplement interdit la célébration de la journée internationale des
travailleuses et travailleurs. Les militants du Parti communiste d’Ukraine
(KPU) qui ont d’ores et déjà annoncé leur intention de célébrer le Premier mai
à Kiev envers et contre tout le font à leurs risques et périls, puisque la
criminelle milice néo-nazie de Pravy
Sektor (Secteur droit) a immédiatement déclaré que les communistes qui
auraient l’audace de venir manifester ne pourraient pas même descendre du
train, et pour tout dire n’ont aucune certitude d’en revenir en vie. Face à ce
genre de déclaration, normalement poursuivie pénalement d’office, les autorités
ukrainiennes n’ont pas même daigné réagir : tristement typique d’un pays
où les milices néo-nazies agissent en tout impunité, rançonnent, pillent,
tabassent, torturent et assassinent les communistes, et à vrai dire tous les
véritables opposants au régime « démocratique » en place, ce avec la
complaisance, quand ce n’est pas le soutien actif des forces de l’ordre. Mais
ce n’est guère surprenant, tant il vrai que les néo-nazis, dont les scores
électoraux sont pourtant faibles, sont bien représentés au niveau du parlement
ukrainien, la Verkhovna Rada, du
gouvernement et des ministères, et tant leurs idées sont en réalité reprises
par les partis « modérés » au pouvoir, par le premier ministre et par
le président. Il faut dire aussi que les vétérans ukrainiens de la Deuxième
Guerre mondiale, les héros qui ont donné leur sang pour libérer le monde de la
terreur nazie, qui ont annoncé leur intention de venir célébrer les 70 ans de
la Grande Victoire de 1945 à Kiev, malgré l’interdiction du nouveau régime, le
font en sachant pertinemment qu’ils risquent de se faire tabasser, peut-être
mortellement, par des dégénérés à crâne rasé et tatoués de la svastika. Ils ne
peuvent compter sur aucune protection de la police.
Ces deux exemples
n’illustrent que trop bien la situation réelle de l’Ukraine d’aujourd’hui, qui
se teinte de brun à vue d’œil. Le jeudi 9 avril
2015, le pays a fait un pas majeur dans la direction de sa nazification. Ce
jour en effet, la Verkhovna Rada a
voté une loi qui condamne "les régimes totalitaires communiste et nazi en
Ukraine" et interdit "toute négation publique" de leur
"caractère criminel" ainsi que toute "production",
"diffusion" et "utilisation publique" de leur symboles sauf
à des fins éducatives, scientifiques ou dans les cimetières. La liste des
éléments désormais prohibés contient le drapeau et l’hymne soviétique et nazi
ainsi que les monuments et plaques commémoratives en l’honneur de responsables
communistes, et même les noms de localités, rues ou entreprises faisant
référence aux dirigeants communistes, activités du PC ou encore à la révolution
bolchévique de 1917. Les personnes coupables de violations de cette loi
scélérate sont passibles de dix ans d’emprisonnement, et les organisations qui
y contreviendraient seraient interdites. C’est là un premier pas évident vers
l’interdiction du KPU, la seule véritable opposition au régime Porochenko, ce
qui est d’ailleurs un but ouvertement proclamé par le pouvoir en place. Du
reste, les procès inéquitables, sur des chefs d’accusations ouvertement
mensongers, contre les membres du KPU, dont nombre ont été torturés par le SBU,
la police politique, se multiplient depuis le coup d’Etat. Notre camarade Petro Simonenko, secrétaire général du
KPU, doit d’ailleurs actuellement répondre au SBU d’accusations parfaitement
fantaisistes et grotesques de soutien au séparatisme.
Cette loi est
parfaitement scélérate, antidémocratique et acte une fois de plus la dérive
fasciste de l’Ukraine, qui en l’état ne peut plus être considérée comme un pays
démocratique. Rappelons tout de même le célèbre poème de Martin
Niemöller : « Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils ont enfermé les
sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.
Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais
pas syndicaliste. Lorsqu’ils sont venus me chercher, il ne restait plus
personne pour protester. » Mais c’est du reste très logique. La
bourgeoisie aux abois se tourne toujours vers le fascisme lorsqu’elle n’arrive
plus à se maintenir au pouvoir par des moyens « normaux », lorsque sa
domination devient par trop illégitime et insoutenable pour le peuple, et
dirige ses coups avant tout contre
les communistes puisqu’ils représentent toujours et nécessairement l’opposition
la plus conséquente et la plus résolue à son régime oppressif. En l’occurrence,
le bilan du gouvernement « démocratique » post-Maidan est absolument
calamiteux à tous points de vue, bien pire à tous égards que celui du décrié
ex-président Ianoukovitch, et entièrement contraire aux intérêts des classes
populaires comme aux intérêts les plus fondamentaux de la nation. L’économie ukrainienne
est dans un état de dépression abyssale, la dette publique atteint des sommets
et l’Etat est virtuellement en faillite, le gouvernement a imposé au peuple un
plan d’austérité brutale comme condition pour un prêt, pourtant misérable, du
FMI – baisse des déjà faméliques retraites et doublement du prix du gaz pour
les ménages –, des millions d’Ukrainiens en sont réduits à la misère la plus
noire pendant que les oligarques se battent par l’intermédiaire des bandes
armées à leur solde pour le partage des biens du président déchu, la corruption
dépasse tout ce qui a existé auparavant (un comble pour un gouvernement
propulsé au pouvoir par un soulèvement populaire dénonçant la corruption d’Etat
et la promesse d’y mettre fin)…Pas étonnant qu’un tel régime ait besoin de
méthodes ouvertement fascistes pour se maintenir en place et déteste plus que
tout le symbole que représente le Premier mai !
C’est une
honte toute particulière de promulguer une telle loi cette année, l’année des
70 ans de la grande victoire de 1945, de renvoyer dos à dos cette année-ci
communisme et nazisme, ce alors que l’URSS a joué le plus grand rôle dans la
lutte contre le IIIème Reich, que plus de 20 millions de soviétiques
ont donné leur vie pour libérer le monde de la barbarie hitlérienne. La
condamnation en parallèle du nazisme ne doit pas faire illusion. Elle est
parfaitement hypocrite et à l’évidence dénuée de sincérité. Les hommes au
pouvoir aujourd’hui à Kiev ont collaboré sans le moindre état d’âme dès les
premiers jours du soulèvement de Maidan avec des néo-nazis déclarés. Ces
néo-nazis occupent désormais pour certains des postes de haut rang au sein de
l’Etat. Des bataillons entiers de la Garde nationale utilisent des symboles de
la SS à peine stylisés, quand ils ne se prennent pas en photo avec l’étendard
du Reich ou le portrait d’Hitler. Des bandes armées néo-nazies, telles les
chemises noires de Mussolini, sèment la terreur à travers le pays, ce avec la
complaisance, quand ce n’est pas le soutien actif des autorités. Tous ces
gens-là, contrairement aux militants communistes, n’ont jamais été inquiétés,
bien au contraire même. Et surtout, les collabos avérés avec l’occupant nazi,
qui ont apporté avec un zèle tout particulier leur sinistre contribution aux
crimes contre l’humanité du IIIème Reich, ne sont en rien concernés par ces
mesures, puisque, par un singulier révisionnisme historique, ils sont absous de
toutes ces fautes et officiellement érigés en « héros de la nation ».
Pour prendre une analogie particulièrement parlante, et à peu près exacte, c’est tout comme si le FN parvenait au pouvoir en France
après un soulèvement populaire contre Hollande et Valls, édictait une loi
pour interdire les symboles communistes et nazis, s’en servait pour interdire
le PCF, sans que pour autant les groupuscules ouvertement néo-nazis soutenant
le gouvernement ne soient inquiétés en rien, mais parallèlement faisait du
maréchal Pétain un « héros de la nation », et de la francisque un
symbole national. On voit à quel point entre cela et une réhabilitation ouverte
du IIIème Reich la frontière est bien mince…
Par ailleurs
on peut apprécier, plus que d’habitude encore, à quel point la rhétorique
officielle sur la « neutralité » est creuse : la Confédération,
qui a repris à son compte les sanctions euro-américaines contre la Fédération
de Russie, pour le motif qu’elle soutient, de façon tout à fait intéressée
certes, la rébellion antifasciste dans le Donbass, ne trouve rien à redire sur
les crimes de guerre du régime Porochenko et sur la place qu’y tiennent des
néonazis déclarés et leurs idées. Si la Suisse officielle croyait un tant soit
peu aux principes démocratiques dont elle se réclame, elle romprait
immédiatement les relations diplomatiques avec un pays qui foule aux pieds ces
mêmes principes.
Nos camarades
du KPU ont aussitôt déclaré qu’ils ne se laisseront pas impressionner par cette
basse manœuvre et continueront plus que jamais la lutte pour la paix, contre le
régime antipopulaire en place, contre la tyrannie des oligarques et le pillage
du pays, et pour le socialisme qui seule peut satisfaire les légitimes
aspirations du peuple ukrainien. Ils ont plus que jamais besoin de toute notre
solidarité.
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