Comment pouvons nous
seulement appeler à voter NON à l’arrêté fédéral sur la sécurité alimentaire,
qui est un contre-projet direct à l’initiative populaire « Pour la
sécurité alimentaire » de l’Unions suisse des paysans (USP), retirée par
les initiants qui se sont estimés satisfaits du contre-projet ? Pourquoi
refuser un projet que presque tout le monde soutient (remarquons en passant que
cette belle unanimité a déjà quelque chose de suspect), qui plus est au service
d’un objectif – la sécurité alimentaire – où on ne peut qu’être pour ?
Mais il ne faut jamais se laisser arrêter au seul intitulé d’un texte mis en
votation populaire, dans la mesure où celui-ci peut être parfaitement trompeur.
L’initiative de l’USP, qui a été retirée par les
initiants, demandait à inscrire dans la Constitution le concept de sécurité
alimentaire, et demandait que « la Confédération renforce l’approvisionnement
de la population avec des denrées alimentaires issues d’une production
indigène diversifiée et durable ». Selon les initiants, la Confédération
aurait également dû « garantir la sécurité du droit, ainsi qu’une
sécurité adéquate au niveau des investissements », un aspect de l’initiative
qui a totalement disparu du contre-projet. A la même période, deux
initiatives étaient lancées sur des sujets similaires : celle du syndicat paysan
Uniterre pour la souveraineté alimentaire, et celles des Verts pour des
denrées alimentaires de qualité et respectueuses de l’environnement. Malgré
le caractère assez restreint, et parfois relativement flou, du texte de l’USP,
le Parti Suisse du Travail l’avait soutenu. Mais le parlement fédéral a fini
par y opposer un contre-projet, qui semble reprendre également certaines
exigences des initiatives d’Uniterre et des Verts, plus fortes que celle de
l’USP, pour pouvoir mieux les combattre le moment venu. Mais son contenu est en
fait très différent.
L’arrêté fédéral, sur lequel nous sommes appelés à
nous prononcer fixe comme but à la Confédération d’ « assurer
l’approvisionnement de la population en denrées alimentaires » (que nous
ne pouvons que soutenir), et prévoit pour l’atteindre cinq axes, dont (a)
« la préservation des bases de la production agricole, notamment des
terres agricoles », (b) « une production de denrées alimentaires
adaptée aux conditions locales et utilisant les ressources de manière efficiente »
et (e) « une utilisation des denrées alimentaires qui préserve les
ressources ». C’est sur ces points que se concentrent les partisans du
projet, et s’il n’y avait que cela, nous ne pourrions que le soutenir avec
enthousiasme.
Sauf qu’il y a deux alinéas
qui manquent dans ce qui précède, qui ne sont guère mis en avant dans la
campagne pour le OUI…puisqu’ils réduisent à néant tous les aspects positifs de
l’arrêté fédéral. Il s’agit des alinéas (c) « une agriculture et un
secteur agroalimentaire répondant aux exigences du marché » et (d)
« des relations commerciales transfrontalières qui contribuent au
développement durable de l’agriculture et du secteur agroalimentaire ».
Pour nous, ces deux alinéas sont clairement incompatibles avec les trois autres
et l’objectif officiel de l’arrêté fédéral sur la sécurité alimentaire, et,
étant donnés les rapports de forces politiques au parlement fédéral, c’est eux
qui primeraient, réduisant à rien tous les aspects positifs de cet article
constitutionnel s’il venait à être adopté.
Dans une petite vidéo de la Confédération, le
point (c) est justifié par le fait que « ce sont les consommateurs plutôt que
l’État qui détermineront ce qui est produit ». C’est naturellement faux. Les
« exigences du marché » ce n’est pas la volonté des consommateurs. Ce
ne sont rien d’autres que les exigences de profits illimités des entreprises de
l’agroalimentaire et de la grande distribution. Et le point (d) autorise la
Confédération à conclure des traités de libre-échange, avantageux uniquement
pour les grandes entreprises, ruineux pour les paysans et destructeurs de
l’agriculture locale et durable. Si demain, les exigences du marché et la
liberté du libre-échange imposent les OGM, le poulet au chlore, et autre
joyausetés en vogue aux USA, l’arrêté fédéral sur la sécurité alimentaire sera
appliqué à la lettre…même si cette application est destinée à causer la mort de
l’agriculture suisse telle qu’on la connaît et surtout telle qu’on voudrait
qu’elle soit.
Une véritable sécurité alimentaire exige au contraire
de ne pas se plier aux exigences du marché et de mettre fin à la vérité
tyrannie des multinationales en laquelle consiste en réalité le libre-échange.
Elle suppose la souveraineté alimentaire, car la production agricole doit être
déterminée en fonction de la volonté populaire, des besoins de la population et
de la préservation des ressources agricoles et de l’environnement à long terme,
ce qui ne peut être garanti par le marché, mais uniquement par une politique
volontariste à l’encontre du libre-marché, une politique qui protège
précisément une agriculture locale et durable contre les ravages du
libre-marché. Des relations commerciales sont bien entendu nécessaires, mais
doivent être régulées, et pas laissés à la jungle du marché libéralisé. C’est
pourquoi, le Parti du Travail vous invite à refuser le texte ultra-libéral des
chambres fédérales, et de soutenir celui d’Uniterre lorsqu’il sera soumis au
vote populaire.
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