Chères et chers camarades,
Nous tenons notre présent Congrès à une
époque qui, pour un regard superficiel, ne paraît guère – c’est le moins que
l’on puisse dire – propice pour les communistes et les forces de progrès. Une
époque où le capitalisme règne presque sans partage sur la quasi-totalité de la
planète – alors qu’il ne reste qu’une petite poignée de pays socialistes – où
la contre-révolution néolibérale enserre le monde en une véritable chape de
plomb, où ce sont des idées réactionnaires, sous leurs diverses variantes, qui
sont largement hégémoniques, tandis que le mouvement communiste international
est dramatiquement affaibli et que les forces de progrès sont presque partout
en échec. Une époque aussi où seuls quelques idéologues néolibéraux continuent
de prétendre croire que leur monde promet un avenir radieux, mais où presque
personne ne les croit plus, et où en général les gens pensent que demain sera
pire qu’hier.
Et pourtant, seul un observateur superficiel
pourrait en déduire qu’il ne reste plus qu’à baisser les bras, qu’il n’y a plus
aucun espoir. Car, bien au contraire, même si le présent ne nous est guère
favorable, notre Parti et les idées qu’il porte sont plus nécessaires que
jamais aujourd’hui.
Le
crépuscule inexorable du vieux monde
Lorsque le socialisme était renversé par la
contre-révolution en URSS et dans la plupart des pays qui l’avaient connu, les
idéologues les plus en vue de la bourgeoisie claironnaient avec arrogance la
« fin de l’histoire » : l’avenir allait être au capitalisme, à
tout jamais. Certains renégats du mouvement communistes ont également désespéré
de leur cause, et on rallié une social-démocratie, elle-même ralliée au
néolibéralisme. Les deux avaient naturellement tort.
Beaucoup de partis communistes, sans rien
renier de leurs principes, furent durablement et profondément ébranlés par les
tragiques événements de la fin du siècle dernier. Pourtant, malgré l’ampleur de
la défaite, il était trop tôt pour les vainqueurs du jour de crier victoire, et
pour les vaincus de désespérer. Comme l’a dit Lénine : « il est
antidialectique, antiscientifique, théoriquement inexact de se représenter
l’histoire universelle avançant régulièrement et sans heurts, sans faire
quelquefois de gigantesques sauts en arrière ».
Aujourd’hui, même les néolibéraux endurcis
n’oseraient guère reprendre leurs accents triomphalistes d’il y a trente ans,
et on s’étonne presque à relire ce qui fut alors écrit que l’on ait pu
sérieusement l’écrire. Car on n’observe aujourd’hui aucune « fin de
l’histoire », aucun glorieux triomphe de la liberté du libre-marché et de
la démocratie occidentale, mais plutôt tous les signes du déclin irréductible
d’une formation économico-sociale.
Ne serait-ce que parce que la
contre-révolution néolibérale triomphante, la reprise en main de la totalité du
pouvoir par une infime oligarchie, a eu le temps de déployer ses effets. Et ses
effets n’ont été que très logiquement une concentration d’une ampleur jamais vue
auparavant de richesses et de pouvoir en aussi peu de mains. Ainsi 8 (oui,
seulement 8 !) personnes les plus riches du monde possèdent aujourd’hui
autant que les 50% les plus pauvres de la population mondiale ; et 82% des
richesses produites en 2017 sont revenues au 1% les plus riches. Mais cet
accaparement des richesses aux mains des plus riches ne pouvait se faire sans
produire de la misère dans les mêmes proportions. De fait, 815 millions de
personnes souffrent aujourd’hui de la faim (c’est-à-dire en sont réduits à
moins de 1'800 calories par jour), soit une personne sur 9 (et un enfant de
moins de 5 ans sur 4). 10% de ces 815 millions en sont réduits à la famine. Et
une personne sur 4 en ce monde (soit 2 milliards de personnes), souffre de
carences alimentaires. A tous les niveaux, les inégalités ont atteint des
proportions abyssales. La part des revenus revenant aux salaires a été
drastiquement diminuée ces trois dernières décennies, au profit de celle
accaparée par le capital. Ces inégalités sont non seulement choquantes, elles
sont proprement intolérables. Pas seulement d’un point de vue moral. Aucune
société ne saurait survivre longtemps avec une répartition des richesses aussi
inégale, aussi inacceptable pour la grande majorité de ses membres. Cela seul
suffirait à conclure que le capitalisme ne peut plus durer, et que la toute
petite oligarchie qui en profite honteusement doit d’urgence être renversée,
afin d’ouvrir la voie vers une société nouvelle, socialiste.
Et ce n’est pas tout. Le capitalisme est très
loin d’être sorti de la crise systémique qui s’est déclenchée en 2007, avec les
subprimes aux USA. Malgré tous les milliards injectés pour sauver les banques
virtuellement en faillite, l’économie mondiale n’a retrouvée qu’une croissance
atone, équivoque et aléatoire ; les puissances impérialistes n’affichant
qu’une croissance très faible, voire nulle, et confinant à l’inflation. Quoi
que valent ces indicateurs macroéconomiques, aussi critiquables soient-ils, ils
montrent du moins que l’économie capitaliste est dans une impasse, ne pouvant
se sortir d’une suraccumulation du capital ayant dépassé toutes les limites
imaginables. Du reste cette crise de surproduction, due à la suraccumulation du
capital, se constate encore mieux à l’œil nu, de par la désindustrialisation de
régions entières, dont les industries n’arrivent plus à écouler leur production
sur un marché saturé, par la mise de millions d’ouvriers au chômage. La
dévastation de Detroit est à ce titre plus éloquente que toutes les courbes de
PIB. Les classes dominantes n’ont pas été capables, puisqu’elles ne le peuvent
tout simplement pas, trouver de solution durable. Toutes les promesses
hypocrites de « moralisation » du capitalisme ont été vite oubliées.
Les causes qui ont été à l’origine de la crise sont toujours là, car elles ne
peuvent être supprimées tout en restant dans un cadre capitaliste. Par ses
« solutions », faire payer la crise aux peuples et tenter de
conquérir de nouveaux marché, la grande bourgeoisie n’a fait qu’aggraver la
crise. Les politiques d’austérité brutales imposées par la bourgeoisie
monopoliste allemande, aux commandes effectives de l’Union européenne, à
plusieurs pays d’Europe, n’ont fait que plonger ces pays dans une dépression
économique et une catastrophe sociale. Cette tyrannie néolibérale a eu pour
effet au final de créer des tensions qui pourraient rendre intenable
l’existence même de ce Saint-Empire capitaliste ordolibéral qu’est l’UE. Et la
compétition entre grandes puissances pour le contrôle des marchés et des
ressources au service de leurs multinationales respectives a plongé une grande
partie du monde dans la misère, et plusieurs de ses régions dans le chaos et le
sang. La guerre des tarifs douaniers ouverte par l’administration Trump
témoigne d’un conflit d’intérêt de plus en plus aigu entre puissances
impérialistes. La rhétorique agressive de la dite administration est celle de
la nervosité d’un empire qui essaye de résister face à son déclin. Sa politique
de rupture avec une instance onusienne après l’autre – quelques puissent être
par ailleurs les limites intrinsèques à l’ONU telle qu’elle existe actuellement
– est l’affirmation brutale d’unilatéralisme impérial, de rejet de l’idée même
d’un droit international ; elle ne rappelle que trop bien les dernières
années de la défunte SDN. Gesticulations qui menacent de plonger le monde dans
la guerre. Comme l’a dit Rosa Luxemburg : « Le capital n’est pas qu’à
sa naissance “dégoulinant de sang et de saleté par tous ses pores“, mais
pendant toute sa marche à travers le monde ».
Le phénomène dit du « populisme »
de droite, dont Trump, le nouveau gouvernement italien, ou avant eux Christophe
Blocher sont des incarnations type ; l’usure de plus en plus accélérée des
hommes d’Etat de la bourgeoisie et de ses partis historiques, témoignent,
quoique d’une façon aberrante, du mécontentement des classes populaires des
pays capitalistes, de leur refus d’être gouvernées comme avant, ainsi que de la
difficulté croissante pour la classe dirigeante de continuer à gouverner
exactement comme avant. Symptôme seulement toutefois, dans la mesure où grâce
aux politiciens et partis « populistes », faussement du côté du
peuple, la bourgeoisie parvient en fait à gouverner presque comme avant. Comme
l’avait dit Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent
à apparaître. Et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres ».
Ce phénomène, et la dérive de plus en plus autoritaire des démocraties
capitalistes montrent néanmoins que ces régimes sont en bout de course,
suscitent une révolte croissante, et ont de plus en plus de peine à se
maintenir. Cet état de fait, le néolibéralisme triomphant qui se trouve
confronté à des oppositions croissantes et se convertit en son contraire
apparent, en autoritarisme tenté de conservatisme et d’ultranationalisme, avait
été prévu des penseurs au service de l’oligarchie, plus précisément les sieurs
Schwab et Smadja, organisateurs du forum de Davos, à une époque où le
néolibéralisme semblait encore au sommet de sa gloire, en 1996 :
« La mondialisation de l’économie est
entrée dans une phase nouvelle : une violente réaction contre ses effets
est en train de monter, tout particulièrement dans les démocraties
industrielles, où elle menace de perturber l’activité économique et la stabilité
sociale de nombreux pays. L’état d’esprit qui domine dans ces démocraties et un
mélange d’impuissance et d’inquiétude, qui contribue à expliquer le succès de
politiciens populistes d’un nouveau genre. Tout cela pourrait facilement finir
en révolte ».
C’est aux communistes que nous sommes
d’apporter une perspective politique à cette révolte, celle du socialisme.
C’est d’autant plus urgent que le capitalisme ne se contente pas de générer
misère et souffrances, mais mène rapidement notre espèce à l’extinction, en
rendant la planète bientôt inhabitable pour la plupart des formes de vie qui
s’y sont développées. Le problème est connu. Et il est beaucoup plus grave
qu’on ne le croit généralement. Le changement climatique, la pollution, la
détérioration de la biosphère, ont d’ores et déjà atteint un point critique. De
fait, il est presque déjà trop tard, et ceux qui vivent aujourd’hui sont la dernière
génération à pouvoir encore y faire quelque chose. En prenant des mesures
globales et de grande ampleur, pas juste avec les « petits gestes du
quotidien ». Il est universellement reconnu par la communauté scientifique
que le seuil de 2°C de réchauffement climatique, pourtant considéré comme un
maximum critique, sera dépassé. On a récemment trouvé un sac en plastique dans
la Fosse des Mariannes, à 10 km de profondeur. Ce fait illustre douloureusement
le niveau dramatique de la pollution des océans (où de fait abondent les zones
vidées de leurs poissons par la surpêche, et de plus en plus de zones mortes,
désertées de pratiquement toute forme de vie). La déforestation, la pollution
des sols et des eaux, la désertification ont atteint des sommets
catastrophiques.
Et que fait la classe dirigeante pour
remédier à ce problème ? Ridiculement peu ! Les USA ont même élu à leur
tête un président climatosceptique. Mais les autres décideurs de la
bourgeoisie, même s’ils ne sont pas climatosceptiques, ne font pas mieux. Le
premier ministre du Canada, le libéral « progressiste » Justin
Trudeau, a causé encore plus de dégâts que Trump à la planète en encourageant
une exploitation sans restrictions du pétrole de schiste.
Il ne s’agit pas seulement de mauvaise
volonté ou de stupidité. La classe dirigeante ne peut pas à la fois prendre les
mesures qui s’imposent et conserver son système, fondé sur le profit maximum à
tout prix. Elle ne serait pas la première classe dirigeante de l’histoire à
disparaître avec la civilisation qu’elle dirigeait pour avoir surexploité sans
vergogne les ressources naturelles dont elle dépendait. Sauf que cette fois
l’extinction sera définitive.
Plus que jamais, comme l’a dit Thomas
Sankara : « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns ou
l’eau potable pour tous » ; plus que jamais, sortir du capitalisme
est une question de survie. Seul le socialisme peut remplacer le capitalisme.
Seuls les partis communistes, armés de leur héritage théorique et politique,
sont à même de conduire cette lutte jusqu’au bout.
Suisse,
une « prospérité » pour quelques uns, et sur des fondations fragiles
Pour un observateur superficiel – dont on
trouve pléthore d’incarnations dans les médias bourgeois – la Suisse apparaît
toujours comme un îlot de prospérité, épargné par la crise du capitalisme, et
de stabilité sous hégémonie bourgeoise ; un pays libéral et conservateur,
à l’ordre immuable. C’est naturellement faux.
D’abord parce que la Suisse est un pays
extrêmement inégalitaire, où seulement une infime minorité profite réellement
de sa prospérité ; une partie, importante mais qui se réduit
tendanciellement, de la population en bénéficie quelque peu ; et de plus
en plus de personnes n’en voient pas la couleur, et sont réduites à la
précarité, parfois la plus extrême. Ainsi, les 1% les plus riches possèdent
58,9% de la fortune totale dans notre pays (seul Singapour affiche,
« officiellement », une répartition de la fortune aussi inégale) tandis
que 7,7% de la population vit dans la pauvreté. Les décideurs de la bourgeoisie
essayent de nier cette réalité. Ainsi le chef économiste de Lombard Odier, Samy
Chaar, déclare, le plus sérieusement du monde (cité par Le Temps du 08.06.18)
que « La Suisse se situe en situation de plein emploi ». M. Chaar ne
droit pas vivre dans le même pays que nous. Mais les classes populaires sont de
moins en moins disposées à tolérer cette situation, qui devient objectivement
de moins en moins tolérable.
La stabilité de la Suisse est aussi moins
sûre qu’elle ne le semble. Certes, ni son modèle économique, ni la domination
politique de sa classe dirigeante n’ont réellement été ébranlées à ce jour.
Mais le modèle économique suisse est en fait fragile, et confronté à des
difficultés réelles. L’industrie d’exportation suisse est évidemment dépendante
de la demande extérieure, et à se titre touchée par la crise du capitalisme. De
fait, la bourgeoisie suisse n’a presque pas investi dans l’appareil productif
ces dernières années, hormis certains secteurs bien précis, non par manque de
capital, mais par manque de débouchés et par pessimisme quant aux perspectives
d’en trouver. Elle a également procédé à un certain nombre de délocalisations
ces dernières années, détériorant ainsi un peu plus la situation des
travailleurs de notre pays. Quant à l’autre pilier du capitalisme suisse, la
finance, ce secteur parasitaire est éminemment exposé à toutes les pressions
des puissances impérialistes plus importantes que la Suisses, et ne saurait
être durable.
La domination politique de la bourgeoisie est
également confrontée à quelques difficultés. Bien qu’apparemment incontestée,
elle a échoué à faire accepter par le peuple certains de ses projets phares,
comme la RIE III, ou PV2020. L’échec de la RIE III la met particulièrement en
difficulté. Pour tenter de faire quand même passer cet scandaleux cadeau
fiscal, exigé par les grandes entreprises pour accroître encore plus leurs
profits sur le dos des travailleurs et des classes populaires, les partis
bourgeois ont trouvé comme solution de le renommer PF17, et de tenter de faire
l’avaler au peuple en l’assortissant de moyens supplémentaires pour l’AVS. On
est là aux limites d’un exercice, même des juristes bourgeois admettant que ce
paquet est plus que douteux au niveau de l’unité de la matière. Mais, pour
cette combine, la bourgeoisie a bénéficié du soutien du PSS, ravi que la droite
veuille désormais « négocier » avec lui (il n’avait combattu, au
niveau national, la RIE III principalement que pour cette raison, parce qu’on
n’a pas voulu « négocier » avec lui). Ce rôle du PSS dans la trahison
doit être relevé. C’est lui en effet, ainsi que l’appareil de l’USS sous son contrôle,
qui a été le défenseur le plus acharné de la contre-réforme PV2020. Le
réformisme du PSS l’a de fait mené à une intégration totale au sein de
l’appareil d’Etat capitaliste, au point de trahir les travailleurs qu’il a
prétendu défendre, et de négocier le démantèlement social avec les
représentants politiques de la bourgeoise. Un parti tel que le nôtre, le Parti
Suisse du Travail – qui est le seul parti national authentiquement de gauche
existant dans notre pays (un fait que certains de nos alliés feignent de ne pas
voir) – sur une ligne de classe claire, est plus nécessaire que jamais.
Genève,
offensive réactionnaire et résistances
Ce qui vient d’être dit au sujet de la Suisse
en général est vrai aussi du canton de Genève. Notre canton présente toutefois
la particularité d’avoir une économie tertiarisée à 85%, reposant très
largement sur la finance, et sur un secteur non seulement parasitaire, mais
qu’il serait juste de qualifier de criminel, qu’est le trading en matières
premières. Ce modèle de développement, si on peut le qualifier ainsi, est
absolument non-durable, outre le fait qu’il génère assez peu d’emplois
disponibles pour la population résidente, mais beaucoup de gentrification et
d’inflation, accroissant encore la crise du logement. Ce modèle parasitaire ne
peut durer éternellement, et devrait être remplacé par un modèle plus sain,
fondé sur la relocalisation des activités productives, les circuits courts, un
développement à un tout autre niveau des services publics. Notre Parti aurait
un rôle important à jouer dans ce domaine.
Si ce développement centré sur la finance est
propice à la bourgeoisie, donnant une base sociale stable et nombreuse au PLR,
il est tout autant générateur de précarité : 15% de la population
genevoise renonce à des soins de santé pour des raisons financières, 14% de la
population genevoise (et 28% des familles monoparentales) est à l’aide
sociale ; 20% de ces personnes à l’aide sociale sont des working
poors ; la population « à risque de pauvreté » est de 30% plus
élevée à Genève que dans le reste de la Suisse. C’est notre Parti, et lui seul,
qui peut défendre et organiser politiquement cette classe populaire laissée sur
le carreau par le capitalisme.
La situation politique issue des nouvelles
élections cantonales ouvre de nouvelles perspectives pour cela, dont je
parlerai d’ici quelques minutes.
Bilan
du travail politique du Parti
Ce contexte pose assez éloquemment la
nécessité objective de notre Parti et de son combat politique. Comment juger le
travail politique accompli par les instances élues par notre précédent
Congrès ? Il aurait sans doute pu avoir été plus important, plus
significatif et plus efficace. Il fut néanmoins assez considérable et
multiforme : présence aux manifestations, participation à des initiatives
et des référendums, publication de l’Encre Rouge, engagement de notre section
au sein des instances nationales du PST et dans Gauchebdo…Ce travail aurai pu
porter plus de fruits si n’étaient nos lacunes en matière d’organisation, que
je laisse au rapport d’organisation, et à notre nombre de membres qui demeure
insuffisant. Je parlerai de trois aspects particulièrement significatifs du
travail politique des instances sortantes du Parti.
Ensemble
à Gauche et élections cantonales
Circonstances obligent, le temps et l’énergie
des instances du Parti élues par le précédent Congrès ont été en grande partie
consacrées à notre politique d’alliance, à la coalition Ensemble à Gauche et
aux élections cantonales, qui se sont tenues le 15 avril dernier. Nous pouvons,
sommes toutes, tirer de ce travail – qui fut rigoureusement indispensable – un
bilan globalement satisfaisant.
La crise interne à Ensemble à Gauche, due aux
agissements de quelques individus nuisibles – dont notre dernier Congrès avait
dû traiter, est désormais dépassée depuis longtemps. De par l’élimination des
dits individus de la coalition, et en renonçant à considérer des composantes
devenues fantomatiques comme existantes, Ensemble à Gauche a été ramenée à
trois composantes réellement existantes, que sont le Parti du Travail,
solidaritéS et le DAL, organisations existant à part entière, ayant une base
militante et une identité politique. Cette clarification, loin de constituer
une énième « division » de la gauche radicale genevoise, a bien
plutôt été un bienvenu assainissement. La coalition Ensemble à Gauche y a gagné
en clarté et en cohérence, son fonctionnement est devenu – d’un facteur
incalculable – plus unitaire et plus serein. La nécessité de contrer les agissements
des dits individus nuisibles – qui ne méritent pas d’être nommément cités dans
un document de cette importance du Parti du Travail – a eu pour conséquence, au
final bienvenue, de contraindre Ensemble à Gauche de se doter d’une
personnalité juridique, d’adopter des statuts. Nous étions à l’origine
réticents face à cette perspective, dans la mesure où la stabilisation
d’Ensemble à Gauche sous forme d’association aurait pu présenter le danger
d’ouvrir la porte à sa transformation progressive en parti unique de la gauche
radicale genevoise, réduisant notre Parti à un effacement inéluctable. Mais le
fait est que les statuts qui ont au final été adoptés bloquent une telle
perspective, dans la mesure où ils garantissent la souveraineté totale des
composantes et le respect de leur propre fonctionnement, ainsi que la prise de
décisions à l’unanimité des composantes au sein d’Ensemble à Gauche. Toute
évolution vers une structure unitaire plus forte, plus envahissante, est
rigoureusement, juridiquement impossible sans notre accord – et inutile de dire
que jamais nous ne le donnerions.
Cette refondation de la coalition Ensemble à
Gauche a été mise à profit pour une campagne électorale pour le Grand Conseil,
précédée d’une précampagne et d’une pré-précampagne, plus longue, plus
multiforme et plus chère que toutes les campagnes de l’histoire de notre Parti,
et aussi, globalement, plus unitaire et plus sereine dans les rapports entre
composantes d’Ensemble à Gauche que toutes celles dont l’auteur de ces lignes
se souvient. Il n’a pas toujours été facile de consentir à cet engagement, mais
les instances du Parti ont estimé que ces conditions étaient absolument
nécessaires pour garantir le maintien d’un groupe parlementaire Ensemble à
Gauche au parlement cantonal, dont la disparition aurait signifié une
détérioration dramatique du rapport de forces politiques au détriment des
travailleurs, et un affaiblissement grave de notre propre Parti. Or ce maintien
était loin d’être garanti, tant il est vrai que les quelques individus ayant
quitté notre coalition ont pu nous causer des dégâts d’image importants,
nonobstant leur insignifiance réelle. Certains médias leurs ont en outre
accordé – et continuent parfois d’accorder – une place inversement
proportionnelle à leur importance réelle. Et trois listes nous faisaient
concurrence à la gauche du PS (bien qu’aucune de ses trois listes ne se soit
revendiquée d’un tel positionnement). Notre précédent Congrès avait d’ailleurs
constaté que reconduire un groupe parlementaire Ensemble à Gauche en 2018
serait une tâche difficile.
Au final, avec certes quelques dixièmes de
pourcent de moins qu’en 2013, Ensemble à Gauche maintient ses 9 sièges au Grand
Conseil. Ce qui est déjà un succès réel étant données les circonstances. Un
succès dû non seulement à notre campagne, mais aussi au bon bilan du groupe
parlementaire Ensemble à Gauche, ainsi que des luttes conduites par ses
composantes, dont bien sûr notre Parti, qui, quant à lui, conserve son siège
dans ce groupe. Nos anciens « dissidents » ont été très justement
renvoyés au néant qu’ils représentent réellement par le peuple souverain. Aux
prochaines élections municipales, ils rejoindront certainement les poubelles de
l’histoire, là où est leur vraie place. Et, surtout, la gauche dans son entier
progresse, avec désormais 41 sièges au Grand Conseil. Le PLR et le PDC
progressent certes aussi, mais au détriment de l’UDC, qui franchit à peine le
quorum, et du MCG, qui perd pratiquement la moitié de son groupe parlementaire.
Le MCG paye par là la scission de feu Genève
en Marche, qui, malgré tous ses millions, offerts par des personnages pour le
moins sulfureux, n’atteignit que 4% des voix – il y a tout de même une justice
en ce bas monde, l’argent n’achète pas tout. La bonne nouvelle étant aussi que
les dirigeants historiques du MCG, et son aile la plus néolibérale, la plus à
droite, s’est auto-éliminée de la politique de par sa ridicule aventure électorale.
Mais le MCG recule aussi parce que sa démagogie anti-frontaliers commence à
lasser, puisque le temps a suffisamment montré qu’elle n’a strictement rien
apporté aux classes populaires de ce canton. Le populisme d’extrême-droite se
retrouve, provisoirement en tout cas, en recul. Le non-aboutissement, faute
d’un nombre de signatures suffisant, de la dernière initiative du MCG contre
les frontaliers prouve à la fois l’affaiblissement de ce parti, et le fait que
sa marchandise frelatée trouve moins de demande qu’auparavant.
Cette configuration est globalement beaucoup
plus favorable pour les classes populaires de ce canton. La gauche est
politiquement renforcée. Le PS et les Verts sont certes des organisations
réformistes, souvent opportunistes et politiquement versatiles, avec une base
sociale petite bourgeoise. Il n’en reste pas moins que le PS genevois garde
globalement une ligne de gauche, et a su éviter la plupart des trahisons du
PSS. En s’engageant pour l’initiative zéro pertes, le PS et le Verts ont aussi
pris un engagement qui leur lie les mains. L’Entente garde certes l’entier de
son hégémonie, mais n’est pourtant pas majoritaire au Grand Conseil, même avec
l’UDC. Le MCG se retrouve une nouvelle fois en position de faire et défaire les
majorités, mais est affaibli par sa récente scission et son revers électoral.
Etant un parti dirigé par des politiciens bourgeois, mais avec une base
populaire, le MCG serait susceptible d’accéder à certaines revendications
sociales de sa base. Il n’est, quoi qu’il en soit, plus en position de force.
Ses incohérences, son vide idéologique et politique, sont plus visibles que
jamais, et son avenir apparaît compromis.
Ce redressement de la gauche, accompagné de
l’essoufflement, même provisoire, du populisme d’extrême-droite, signifie un
contexte politiquement favorable pour les forces de progrès, une fenêtre
d’opportunités qu’il faut savoir utiliser tant qu’elle est ouverte. La
démagogie anti-frontaliers a vu son crédit baisser du fait de l’absence de tout
résultat positif pour les travailleurs de ce canton. L’agenda néolibéral du PLR
a pu plus d’une fois être vaincu en votation populaire. Certes, l’inflexion
n’est pas radicale. Ensemble à Gauche restera, dans la plupart des cas, une
force d’opposition. L’opportunisme du PS, et plus encore des Verts, les
pousseront plus d’une fois à mener une politique de compromis avec l’Entente. Les
circonstances sont néanmoins plus favorables qu’auparavant pour imposer, à
travers un front commun des partis de gauche qui voudront s’y joindre et des
syndicats, une contre-offensive progressiste et de classe ; comme par
exemple à travers l’initiative de la CGAS pour un salaire minimum, dont nous
avons soutenu le lancement. Cette politique ne sera pas toujours facile à
réaliser, ni toujours couronnée de succès, et le PS et les Verts pourraient
bien préférer la « Grande coalition » au front unique. Mais,
précisément, « l’union n’est pas une idylle mais un combat ».
C’est aussi une chance pour Ensemble à Gauche
non seulement de consolider son score, mais de se renforcer – puisqu’il faut
bien l’admettre que le résultat à moins d’un point au-dessus du quorum est
préoccupant pour l’avenir. D’aucuns en ont profité pour faire renaître le vieux
serpent de mer – que notre Parti a su mettre en échec plusieurs fois par le
passé – d’une unification de toute la gauche radicale au sein d’un seul parti ;
d’ « inventer en marchant », ou d’un « big bang de la
gauche radicale », pour reprendre quelques slogans nébuleux qui ont été
utilisés.
Or rien ne justifie une telle perspective.
Certainement pas le résultat d’Ensemble à Gauche, qui est moins préoccupant
qu’il n’y paraisse, et est largement dû à des facteurs contingents, des
épiphénomènes de l’histoire, comme l’affaire de la « Liste pour Genève »,
que tout le monde aura oublié d’ici peu de temps. Disposant désormais d’un
groupe parlementaire complet de 9 députés, Ensemble à Gauche peut, de par le
bon travail de ses élus, accroître grandement sa crédibilité et son influence.
Du reste, une fusion mal définie au sein d’un quelconque grand machin aux
contours flous ne serait en rien une solution, bien au contraire même. Car il y
a une raison historique réelle pour que les différentes organisations de la
gauche radicale ne forment pas d’ores et déjà un seul parti : des
différences bien réelles tant au niveau idéologique que de la base sociale des
dites organisations. Leur regroupement en une force unique ne donnerait pas
d’autre unité que celle du flou et de l’incohérence doctrinale et politique.
Et, sous couvert de la détestable mode postmoderne de faire du
« nouveau », de créer une « nouvelle gauche », qui se débarrasse
avec désinvolture d’une histoire qu’elle oublie, qu’elle ne veut pas assumer ou
dont elle souhaite se débarrasser, on ne ferait rien d’autre que de recréer une
pâle réplique de la social-démocratie d’avant 1914, qui, en raison de ses
flottements internes mêmes, s’est laissée contaminer par l’opportunisme, et a
fait irrémédiablement faillite dans l’ « Union sacrée » avec
« sa » bourgeoisie impérialiste. Pour ce qui le concerne du moins, le
Parti du Travail est fier de son histoire, dont il ne renie pas la moindre
virgule, et n’a aucune intention de disparaître, ou de se dissoudre dans
quelque vague machin unitaire que ce soit.
Sans doute, ce glissement a été quelque peu
facilité par les contraintes de l’unité de la longue campagne électorale pour
le Grand Conseil, ou la coalition a eu tendance a devenir quelque peu
envahissante, au prix d’un certain effacement des composantes, si bien
qu’Ensemble à Gauche a pu apparaître, et être des fois présentée comme telle
dans la presse, comme une sorte de parti en devenir, si ce n’est d’un parti
déjà existant. C’était là une contrainte nécessaire de la campagne électorale.
Qui se justifiait, mais qui cesse de l’être hors période électorale. Si
l’existence de cette coalition qu’est Ensemble à Gauche et son unité demeure
indispensable, et notre Parti y est profondément attaché, il est vrai aussi
qu’elle regroupe 3 composantes distinctes, qui ont leur propre ligne politique,
et aucune vocation à se fondre en un seul parti. Notre Parti doit utiliser la
pause bienvenue entre campagnes électorales pour se renforcer, en portant ses
projets propres, en son propre nom et sous sa propre bannière.
Pour résumer, la stratégie générale pour les
prochaines années doit être : contre-offensive progressiste et de classe,
en maintenant l’unité d’Ensemble à Gauche, mais dans le respect de la
souveraineté des composantes ; et dans le cadre d’un front unique de
gauche et syndical, à chaque fois que celui-ci est possible et compatible avec
nos principes, jamais quand le PS ou les Verts adoptent une position de
conciliation avec la bourgeoisie et contraire aux intérêts fondamentaux des
travailleurs. Car le front unique n’est pas un regroupement politicien, ou une
tactique électoraliste, mais une stratégie de lutte de classe, qui ne peut
mériter son titre que si elle est menée de façon conséquente, et non pas
opportuniste. Pour citer une référence qui ne serait nécessairement du goût de
nos alliés, mais qui s’impose en ce cinquantième anniversaire de Mai 68, à
savoir Waldeck Rochet, dans Les
enseignements de Mai-juin 68 : « Le but dernier du front unique,
le but dernier de l’union des forces démocratiques, c’est d’entraîner des
masses de plus en plus larges, y compris les couches qui paraissent
temporairement les moins avancées, à la lutte contre les monopoles et leur
régime ».
Initiative
pour une caisse maladie et accident genevoise publique à but social
Notre travail politique ne saurait bien sûr
se limiter aux élections et au parlementarisme. Nous ne sommes pas un Parti
réformiste. Le plus grand succès de notre Parti durant la période qui nous
sépare de notre précédent Congrès est sans conteste le dépôt, avec plus de
14'000 signatures, récoltées par le seul travail de nos militants, de
l’initiative populaire pour une caisse maladie et accident genevoise publique à
but social.
Dans la foulée du succès de notre initiative
pour le remboursement des soins dentaires, déposées avec plus de 18'000
signatures, récoltées de nouveau avec nos seules forces, et afin de trouver une
solution – peut-être pas La solution – au problème des primes
d’assurance-maladie, devenues inacceptablement élevées, et qui touchent tout particulièrement
les classes populaires, plus généralement au système de véritable escroquerie
organisée qu’est la LAMal et sa kyrielle de caisses privées, dont plus
personnes ne croit en l’honnêteté, notre Parti propose la création d’une caisse
maladie publique cantonale ; qui serait, certes – il n’est légalement pas
possible de faire autrement au niveau cantonal – en concurrence avec les
caisses privées et soumise aux contraintes de la LAMal, mais aurait néanmoins
l’avantage d’être entièrement transparente, non liée aux intérêts occultes d’un
groupe privée, et à but social. De nos adversaires à nos alliés, beaucoup ont
mis en cause la pertinence de notre proposition pour résoudre le problème que
nous souhaitons résoudre. Personne n’a nié la réalité du problème. Même la
droite genevoise n’ose plus guère défendre les assureurs privés, justement haïs
du peuple. Nous n’avons certes jamais prétendu que notre initiative apporterait
La solution miracle au problème de la LAMal. Elle a toutefois l’avantage de
constituer une première brèche dans ce système, un premier pas vers un système
de santé intégralement public et social pour lequel nous nous battons. Elle est
également complémentaire avec les autres solutions proposées (primes plafonnées
à 10% du revenu, initiative pour la liberté des cantons, initiative pour un
parlement indépendant des caisses). Elle confirme enfin la capacité
d’organisation et le rôle de proposition de notre Parti au service des classes
populaires.
Pas
d’avenir pour qui oublie le passé
Un troisième aspect du travail politique des
instances sortantes du Parti sur lequel je voulais insister, c’est l’aspect
théorique, culturel et historique : nos journées de formation, la partie
politique de la fête des peuples, les commémorations du centenaire de la Grande
Révolution Socialiste d’Octobre, des 30 ans depuis l’assassinat de Thomas
Sankara, des 200 ans de la naissance de Karl Marx, les 50 ans de Mai 68 enfin,
auxquels sera consacrée la prochaine Fête des peuples sans frontières.
J’insiste sur cet aspect – indispensable – de
notre travail. Il s’agit de tout autre chose que de commémoration par pur
nostalgie ou par folklore. L’étude du passé, de notre héritage théorique et
révolutionnaire, est indispensable pour tracer la voie de l’avenir. Ainsi que
l’a dit Hugo Chavez : « La conscience est le résultat de la
connaissance. Pour cela il faut étudier, lire et beaucoup analyser ».
Perspectives
politiques d’avenir
Notre Parti, le Parti Suisse du Travail, seul
parti national à la gauche du PS dans ce pays, le seul qui ait une ligne de
classe claire et le socialisme pour perspective, est aujourd’hui plus
nécessaire que jamais. Il est le seul qui porte la perspective de changement
révolutionnaire qui représente l’avenir. Ni le PS ni les Verts, trop intégrés
au système bourgeois pour être réellement en mesure de le remettre en cause, ne
le peuvent. Et aucune autre organisation ne peut ni ne pourra nous remplacer
dans le rôle qui est le nôtre.
Ceci dit, des tâches nombreuses et difficiles
se présentent à nous. Mais, comme l’avait dit Jean Jaurès, « L’Histoire
enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des
accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir ». Nous
discuterons de certaines parmi les plus importantes d’entre elles durant le
présent Congrès. Il s’agit en tout premier lieu de renforcer notre
organisation, d’accroître notre nombre de membres, de reconstituer notre
organisation sur le terrain, de reconstruire des sections locales, qui ont fait
la force et l’implantation de notre Parti par le passé. Il nous faut aussi
préparer les élections fédérales de l’automne 2019, ainsi que les municipales
de 2020 – afin de présenter des listes dans plus de communes, avec plus de
candidates et candidats, dans le but que le résultat soit meilleur que celui de
2015.
Nous devons aussi non seulement étudier
l’héritage théorique et politique du mouvement communiste international, mais
aussi le développer de façon créative pour trouver des réponses aux défis
nouveaux de notre époque. Certaines de ces importantes questions sont à l’ordre
du jour de cet après-midi. Je ne vais pas m’étendre là-dessus présentement afin
de ne pas anticiper sur le débat qui aura lieu tout à l’heure. Il s’agit tout
d’abord des questions transfrontalières, ainsi que de la question des
travailleurs frontaliers, auxquelles nous devons apporter une réponse de
gauche, de classe, pour contrer celle – purement démagogique – du MCG. Il était
pour nous important, eu égard à l’internationalisme qui fait partie des valeurs
fondatrices de notre Parti, que nous en discutions aujourd’hui avec notre parti
frère qu’est le PCF. Il s’agit en second lieu des évolutions les plus récentes
du capitalisme, de ce que l’on nomme communément l’industrie 4.0, et de ses
conséquences, ainsi que d’un sujet qui y est intimement lié : la
revendication de la baisse du temps de travail. Les progrès techniques,
développés sous le capitalisme, rendraient en effet possible un progrès social
considérable, le dépassement d’un mode de production oppressif et aliénant, au
profit d’une société nouvelle. Cette une perspective élaborée par Karl Marx
dans un célèbre passage des Grundrisse :
« Le vol du temps de travail d’autrui,
sur quoi repose la richesse actuelle, apparaît comme une base misérable,
comparée à celle, nouvellement développée, qui a été créée par la grande
industrie elle-même. Dès lors que le travail sous sa forme immédiate a cessé
d’être la grande source de la richesse, le temps de travail cesse
nécessairement d’être sa mesure, et, par suite, la valeur d’échange d’être la
mesure de la valeur d’usage. Le surtravail de la masse a cessé d’être la
condition du développement de la richesse générale, de même que le non-travail
de quelques-uns a cessé d’être la condition du développement des pouvoirs universels
du cerveau humain. Cela signifie l’écroulement de la production reposant sur la
valeur d’échange, et le procès de production matériel immédiat perd lui-même la
forme de pénurie et de contradiction. C’est le libre développement des
individualités ». (Karl Marx, Grundrisse,
VII, 3)
Mais il ne s’agit que d’une potentialité, qui
ne peut être réalisée qu’au sein d’une société socialiste. Sous le capitalisme,
l’informatisation, la robotisation, l’automatisation, ne servent qu’à accroître
les profits du capital, au prix de la destruction, déjà en cours, de millions
d’emplois, et du retour, sous une apparence faussement moderne, des conditions
de servitude dignes du capitalisme du XIXème siècle à travers le
phénomène qu’on appelle communément l’ubérisation.
Puisque nous célébrons cette année les 50 ans
de Mai 68, je conclurai le présent rapport en reprenant la conclusion que Jean
Vincent avait choisi pour le sien il y a cinquante ans, au IXème Congrès du
Parti Suisse du Travail, les 2 et 3 novembre 1968 :
« Que grandisse, que prospère notre
Parti du Travail qui porte le plus beau nom qui soit et le plus éloquent,
justement parce qu’il est le nom d’un rassemblement du peuple travailleur,
qu’il aille d’expérience en expérience, de progrès en progrès, de succès en
succès !
Vive notre Parti du Travail !
Vive le socialisme que nous voulons édifier
en Suisse !
Vive le communisme ! »
Alexander Eniline
Président
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