Réuni
en sa séance du 28 mai 2018, le Comité directeur du Parti du Travail a pris la
décision, non sans un débat approfondi, et à une très large majorité, de
soutenir le référendum contre la Loi sur laïcité de l’Etat (LLE), dont la
première mouture avait été élaborée par le conseiller d’Etat Pierre Maudet, et
la version finale votée par une majorité, de droite, du Grand Conseil. Ce
référendum a été lancé à l’origine par
une coordination référendaire, portée par principalement par solidaritéS, avec
le renfort de quelques syndicalistes, et d’associations musulmanes. Depuis, la
CGAS, la Jeunesse socialiste et les Jeunes Verts ont également décidé de le
soutenir.
Pourquoi
cette décision ? Le Parti du Travail est profondément attaché au principe
de la laïcité, qui fait partie de l’héritage progressiste de la révolution
bourgeoise. Mais on ne juge pas une loi à son intitulé. En quoi la LLE
fait-elle avancer la cause de la laïcité ? La séparation de l’Eglise (ou
des différentes Eglises) et de l’Etat est réalisée depuis bien longtemps, et
aucun groupe religieux ne la remet en cause, ni n’est en position de faire
valoir de quelconques prétentions théocratiques. La LLE ne visait nullement à
résoudre un quelconque problème existant, mais à doter d’une loi d’application
un article de la nouvelle Constitution, pour lequel ce n’était pourtant pas
nécessaire, ni utile.
Les
nouvelles dispositions les plus importantes qu’elle introduit, est
l’interdiction de porter tout « signe religieux » aux élus et aux
employés de l’Etat. Par là, l’Etat intervient bien plutôt dans des questions de
conscience de ses employés, plutôt que de s’en abstenir, ce qui devrait être le
cas d’un Etat laïque. Et quels « signes religieux » seraient
visés ? Les deux communautés religieuses qui seraient les seules à être en
position d’avoir des prétention théocratiques – les catholiques et les
protestants – ne sont pas concernés du tout par cette disposition, la croix se
portant usuellement sous la chemise. Mais les élus de droite, dont certains
sont membres du parti au nom, très laïque, de Parti démocrate-chrétien, n’ont
pas fait mystère de leurs intentions. Une catégorie de la population, et une
seule, est visée : les femmes musulmanes qui portent le voile.
Intention
très peu laïque : s’en prendre à une catégorie, minoritaire, de la
population, dont on prétend qu’elle pose un problème particulier – le tort
principal des musulmans étant de ne pas « s’intégrer », et de menacer
une civilisation aux fondements « judéo-chrétiens ». C’est le fameux
« on ne se sent plus chez nous ».. On ne voit que trop les ravages
que le détournement démagogique de la « laïcité » dans une optique
discriminatoire a fait dans le débat public français. La bourgeoisie genevoise
souhaite importer cette détestable logique chez nous. C’est là le phénomène
décrit par Lénine dans Socialisme et
religion, en 1905 : « La bourgeoisie réactionnaire s’est partout
appliquée, et commence à s’appliquer chez nous aussi, à attiser les haines
religieuses, pour attirer dans cette direction l’attention des masses et les
détourner des questions politiques et économiques véritablement importantes et
capitales ».
Le
Parti du Travail ne peut qu’être opposé à une telle logique. Non pas que nous
défendions que le port du voile soit en tant que tel une « liberté »,
ni que nous fermions les yeux sur les méfaits de l’islamisme, principalement
pour les musulmans eux-mêmes d’ailleurs. Mais ce n’est certainement pas une
discrimination à l’embauche qui va libérer quelque femme que ce soit ;
encore moins des élus de droite, en majorité masculins, qui se refusent à voter
toute loi contraignante en matière d’égalité des salaires. Il n’y a d’ailleurs
actuellement aucun problème véritable de cohabitation à Genève posé par les
musulmans – si ce n’est dans la tête de certains. Il n’est pas question pour
nous de créer un problème nouveau, et d’introduire de la discrimination, pour
satisfaire une logique de division voulue pour la bourgeoisie, ni d’accepter la
stigmatisation. Pour reprendre une référence, qui ne saurait pas forcément du
goût de solidaritéS, en transposant aux musulmans ce qui y est dit des
chrétiens :
« Nous
n’interprétons pas l’évolution d’un grand nombre de chrétiens comme le signe
qu’une convergence philosophique peut désormais être trouvée entre le marxisme
et le christianisme. Les fondements philosophiques de ces deux conceptions du
monde sont radicalement différents. Mais
nous ne considérons pas que cette différence doive conduire à ranger, au cours
du combat social et politique, les communistes dans un camp et les chrétiens
dans un autre. Pour nous, la véritable ligne de démarcation entre les français
n’est pas tracée par la diversité de leurs convictions philosophiques ou
religieuses ; elle passe entre la petite minorité qui exploite et opprime
et l’immense majorité des victimes de cette politique, qu’elles croient en Dieu
ou soient athées, qu’elles aillent à la messe ou non. Nous sommes plus près
d’un travailleur chrétien que d’un banquier voltairien, d’un partisan de la
paix chrétien que d’un capitaliste qui tire profit de la vente d’armement à
l’étranger, fût-il athée, d’un chrétien démocrate que d’un agent des monopoles
matérialiste ». (Georges Marchais, Le
défi démocratique, Grasset, Paris, 1973, p. 139)
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