21 août 2020

D'après Lula, la vérité vaincra



Livre : Lula, ancien président du Brésil, dit sa vérité sur son engagement pour le peuple, les persécutions dont il fait l’objet et l’avenir de son pays

Si vous entendez parler aujourd’hui du Brésil, il y a de grandes chances que ce soit par rapport aux méfaits du néonazi qui en occupe la présidence. Vous devriez être au courant également à propos de celui qui aurait certainement occupé aujourd’hui sa place, épargnant ainsi au peuple brésilien nombre de calamités, s’il n’avait été injustement emprisonné suite à un procès inique basé sur des accusations calomnieuses, avant d’être libéré, sans que cessent les persécutions contre lui : l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula. 

Or justement, les éditions Le Temps des Cerises ont récemment publié une traduction d’une longue interview de Lula, réalisée par les éditions Boitempo (un éditeur progressiste brésilien), réalisée en 2018, peu avant l’emprisonnent de l’ancien président, agrémentée d’une nouvelle interview réalisée en 2019, juste avant sa libération, et de trois discours prononcés entre et juste après ces dates. La conversation est à bâtons rompus, un peu décousue parfois, et bien que les notes de bas de page soient nombreuses, elles ne suffisent pas toujours à rendre transparentes des allusions à l’actualité politique brésilienne à un lecteur suisse. C’est sans doute dommage, mais en fin de compte le problème est mineur, et on perd assez peu en termes d’informativité et d’intérêt. 

 Lula y dit tout ce qu’il a à dire sur son parcours militant en tant que syndicaliste puis à la tête du Parti des travailleurs (PT), le coup d’Etat parlementaire qui a mené à la destitution de Dilma Roussef (qui lui a succédé à la présidence du Brésil), ses réalisations lorsqu’il fut président, les calomnies et persécutions judiciaires dont il fait l’objet, la situation du Brésil aujourd’hui, ce qui peut être son avenir, et beaucoup d’autres choses encore. Il y définit sa vision politique de la façon suivante : 

 « Ce à quoi je ne me suis pas préparé, c’est la résistance armée, je n’ai plus l’âge. Comme je suis un démocrate, je n’ai même pas appris à tirer. Alors, c’est exclu. Le PT n’est pas né pour être un parti révolutionnaire, il est né pour être un parti démocratique et porter la démocratie jusqu’à ses dernières conséquences. […] Le PT n’a pas été créé pour ça, il a été créé pour réaliser, au sein du régime démocratique, les transformations dont le Brésil a besoin, et nous avons prouvé qu’il était possible de le faire ». 

 L’ancien président du Brésil exprime ici l’essence du réformisme dans tout ce qu’il peut avoir d’honnêteté, de grandeur, de dévouement sincère pour le peuple, mais aussi d’irréductibles limites. Il avait fait le choix d’une action dans le cadre des règles du jeu de la démocratie bourgeoise et du capitalisme, sans jamais briser ce cadre, du dialogue avec la bourgeoisie et l’impérialisme. Ce choix permit au PT, sous la présidence de Lula, de sortir des millions de Brésiliens de la pauvreté, de sortir le Brésil lui-même d’un retard séculaire et de sa place subordonnée dans la chaîne de l’impérialisme, de réaliser des progrès sociaux remarquables. Mais cette politique finit par atteindre ses limites sous la présidence de Dilma Roussef. Et la bourgeoisie brésilienne, égoïstement, fanatiquement attachée à son intérêt étroit de classe, a traité le PT avec une haine telle qu’elle aurait difficilement pu lui en réserver plus si cela avait vraiment été un parti révolutionnaire, sans tenir aucun compte de principes démocratiques : coup d’Etat parlementaire, campagne calomnieuse dans la presse, procès truqués, et finalement, recours au fascisme… 

 Au final, l’histoire récente du Brésil est plutôt de nature à nous renforcer dans la conviction qu’entre capitalisme et socialisme, il n’y a pas de troisième voie, et que la révolution socialiste, quelle que soit la forme qu’elle puisse prendre selon les circonstances, demeure une nécessité si l’on veut rendre le progrès social pérenne. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui que le Brésil plonge dans les ténèbres du fascisme, que la gestion déplorable de la pandémie du COVID-19 par le gouvernement de Bolsonaro tourne à la gabegie meurtrière, que les travailleurs et les peuples autochtones luttent pour leur avenir, la vérité du premier président ouvrier de ce pays doit être entendue. 

Alexander Eniline

 Lula, La vérité vaincra (le peuple sait pourquoi on me condamne), préface de Dilma Roussef, traduit du portugais pas Pedro Afonso, Antoine Chareyre et Elodie Dupau, éditions le Temps des Cerises, Paris, 2020

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