Si
le PIB de la Suisse était partagé de façon parfaitement égalitaire entre tous
les actifs, cela ferait 10'000 francs par personne et par mois. Certes, ce
calcul ne doit pas être trop pris à la lettre. Il ne prend en compte ni les
inactifs (retraités, AI, etc.) qui doivent aussi bénéficier de leur part de la
richesse sociale, ni la part de la richesse sociale devant être dévolue aux
investissements et à la consommation collective, ni la part de richesse dont la
bourgeoisie suisse jouit indûment suite à sa position dans un ordre économique
mondial inégal. Mais cela donne au moins un ordre de grandeur
incontestable : il y a bien assez de richesses produites pour que chacun
puisse vivre dignement. La réalité de notre système capitaliste est pourtant
qu’une infime minorité s’accapare des richesses proprement indécentes, tandis
que 10% des travailleurs (dont 2/3 de travailleuses) touche moins de 23,- de
l’heure (soit moins de 4'000,- par mois). La moitié de ces 10% de travailleurs
sous-payés gagne même moins 3'500,- par mois. On ne peut vivre dignement avec
des salaires aussi bas à Genève. On assiste au scandale absolu de travailleurs,
à plein temps, dont le travail produit pourtant toute richesse, qui doivent
recourir à l’aide sociale.
Face
à cette situation inacceptable, la Communauté genevoise d’action syndicale
(CGAS) avait lancé, avec le soutien des partis de gauche, une initiative
populaire pour un salaire minimum de 23,- de l’heure, indexé à l’inflation.
C’est sur cette initiative que le peuple est appelé à se prononcer le 27
septembre. Le Parti du Travail appelle fermement à voter pour. L’introduction
d’un salaire minimum est une exigence fondamentale de justice, et une mesure
indispensable contre la précarité. Cela seul suffirait pour le soutenir. Mais
nos adversaires combattent cette initiative avec des arguments économiques, de
parfaite mauvaise foi, qu’il nous importe de réfuter.
Ils
disent en effet que l’introduction d’un salaire minimum détruirait des emplois,
et ferait augmenter le chômage. C’est une affirmation gratuite. D’après 64
études menées entre 1972 et 2007, l’introduction d’un salaire minimum n’a eu
aucun effet sur l’emploi, ou alors un effet positif. Il est tout aussi faux de
dire que l’introduction d’un salaire minimum provoquerait un alignement des
salaires vers le bas. Cet effet n’a été observé nul part. Bien au contraire,
l’existence d’un salaire minimum tend, non seulement à revaloriser les très bas
salaires, mais aussi de pousser les salaires qui en sont au-dessus à la hausse,
par la sécurité juridique qu’il donne aux travailleurs et aux syndicats,
renforçant ainsi leur capacité de négociation. Du reste, le canton de Neuchâtel
a instauré un salaire minimum en 2017, et aucun des effets négatifs prédits par
les opposants n’a été observé.
Un
salaire minimum a aussi pour effets positifs une hausse de la consommation
populaire, ce qui a un effet démultiplicateur sur l’économie, ainsi qu’une
hausse de la productivité. Il a pour conséquence par contre une légère baisse
des très hauts salaires (mais ce n’est pas très grave) et des profits (ce qui
est une bonne chose dans l’absolu, car cela réduit la suraccumulation du
capital), raison pour laquelle la bourgeoisie le combat.
La
bourgeoisie fait mine de s’inquiéter du sort de petites entreprises, pour qui
une hausse des salaires serait une charge importante. Pourtant, c’est la
concurrence capitaliste qui détruit ces mêmes petites entreprises chaque jour,
ce dont la même bourgeoisie ne se soucie guère en temps normal. Remarquons que
la majorité des entreprises qui pratiquent de très bas salaires ne sont pas des
petites entreprises, et ne sont absolument pas en difficulté. Pour les PME
vraiment en difficulté par contre, il serait absolument possible de les
soutenir par des moyens ciblés, plutôt que de subventionner tous les patrons
qui surexploitent leurs travailleurs (car c’est bien cela que signifie l’aide
sociale touchée par des gens qui travaillent). Cette même bourgeoisie se fait
hypocritement le chantre du partenariat social, alors qu’elle est d’habitude
pour le libre-marché, quels qu’en soient les ravages. A cela il faut répondre
que le partenariat social ne suffit pas. Seule la moitié des travailleurs en
Suisse est protégée par une Convention collective de travail, et pas toutes les
CCT ne sont vraiment consistantes.
Un
salaire minimum est enfin une mesure pertinente face à la crise économique. La
vague de licenciements attendue et ce durcissement des rapports de travail
d’ores et déjà visible s’accompagnera inévitablement d’une pression à la baisse
sur les salaires de la part du patronat – des salaires qui pour beaucoup trop
de travailleurs, dont une majorité sont des travailleuses, sont déjà beaucoup
trop bas. Pour mettre un frein à cette pression patronale, pour protéger les
travailleuses et les travailleurs, un salaire minimum légal est aujourd’hui un
instrument indispensable. Par ailleurs, une baisse généralisée des salaires
aurait pour conséquence nécessaire – outre la catastrophe sociale qu’elle
représenterait – une diminution équivalente de la consommation populaire, et
par conséquent, une accentuation des tendances déflationnistes, donc une
aggravation de la crise. Face à cela, un salaire minimum légal apparaît comme
une mesure anti-crise pertinente, favorable à la consommation populaire, et
donc aux petites entreprises et à l’emploi.
Enfin,
le salaire minimum est un instrument de lutte de classe entre les mains des
travailleurs, face à une bourgeoisie qui veut les exploiter sans limites ou
presque. Pour toutes ces raisons il faut voter OUI.
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