L’initiative populaire 162
« Construisons des logements pour toutes et tous : Une priorité en
période de pénurie ! », lancée par les partis de gauche, l’ASLOCA,
les syndicats et plusieurs associations progressistes, prévoit d’ajouter un
nouvel article (Art. 12A) à la loi d’application de la loi fédérale sur
l’aménagement du territoire, un article ayant la teneur suivante :
« En période de pénurie
de logements, soit lorsque le taux de logements vacants est inférieur à 2%, et
afin de favoriser la création de logements répondant aux besoins prépondérants
de la population, le Conseil d’Etat ne peut proposer que des modifications de
limites de zones soumises à la loi générale sur les zones de développement, du
29 juin 1957, à l’exception des périmètres qui ne sont pas destinés au
logement ».
Ce qui interdirait les
déclassements en zone ordinaire. Ce n’est peut-être pas très parlant dit comme
ça, mais derrière la terminologie technique, cette initiative pose un enjeu
politique essentiel : quel type de logement construire, et pour qui ?
La situation aujourd’hui
Le fait est qu’actuellement,
contrairement à ce qu’on pourrait croire, on construit beaucoup de logements à
Genève. Pourtant la crise du logement continue de plus belle. Le taux de
vacance de logement est seulement de 0.54% à Genève (contre 0.89% à Zurich et
1.10% dans le canton de Vaud). De ce fait, les propriétaires ne se gênent pas
d’augmenter les loyers de la plus abusive des façons (en moyenne de 9,6% à
chaque changement de locataire), qui atteignent aujourd’hui des montants
insoutenables, proprement ruineux pour les classes populaires (près de 35% du
revenu, pour un revenu inférieur à 4'000,-).
C’est que, on construit
certes, mais pas pour tout le monde. Les 10 dernières années, 49% des nouveaux
logements sont des PPE, soit des logement à vendre. Mais seuls les 18% les plus
aisés peuvent aujourd’hui à Genève se permettre d’envisager l’achat d’un bien
immobilier. De ce fait, c’est la grande majorité, composée de locataires, qui
souffre de la pénurie et des hausses de loyers. La situation actuelle est
intolérable, et ne profite qu’aux plus fortunés, aux promoteurs et aux
propriétaires.
Pourquoi l’initiative 162 apport une solution
En quoi l’initiative 162
apportera-t-elle une solution à ce problème ? C’est que, derrière la
terminologie technique, la zone de développement est avant tout un outil
d’aménagement du territoire, datant de 1957, créé dans le but de lutter contre
la spéculation immobilière. Construire en zone de développement implique de se
conformer à un certain nombre de règles, notamment : le contrôle du prix
de location ou de vente des nouveaux logements pendant 10 ans, des proportions
minimales de logements sociaux, l’accès à la propriété seulement pour y habiter
(excluant les acquisitions immobilières dans un but spéculatif), la cession de
terrains au profit du domaine public (parcs, équipements collectifs, espaces
verts, écoles). De telles règles n’existent pas en zone ordinaire. Aussi
n’est-il pas étonnant que 80% des logements construits aujourd’hui le soient
dans des zones de développement, et que le prix du m2 y soit de 29%
moins cher.
Il n’est pas étonnant non
plus que les promoteurs immobiliers préfèrent la zone ordinaire, et que ses
relais politiques à la majorité de droite du Grand Conseil les soutiennent dans
cette volonté égoïste. C’est pourquoi la droite combat cette initiative, avec
des arguments contradictoires : d’un côté, l’initiative ne serait pas nécessaire,
puisque la majorité des déclassements se font déjà en zone de développement et
que le Conseil d’Etat y tient (mais si c’est déjà le cas, et qu’il s’agit d’une
bonne pratique, pourquoi s’y opposer ?). Mais, d’un autre côté, la
droite trouve l’initiative trop « rigide » (terme fétiche des
néolibéraux) et étant de ce fait susceptible de ralentir la construction de
logements.
Trop « rigide » pour quoi ? Pour construire
des logements dont la populations a besoin, ou pour la soif de profits sans
bornes des promoteurs et des spéculateurs ? La réponse n’est que trop
évidente. Pour faire prévaloir le bien commun sur l’intérêt égoïste de quelques
uns, il convient de voter résolument OUI.
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